( 5 octobre, 2008 )

Hakim ADDAD, secrétaire général de RAJ

« Un tsunami populaire n’est pas à écarter »

Hakim Addad est secrétaire général de l’association Rassemblement actions jeunesse. Depuis sa création en 1993, le RAJ a été l’une des rares associations, voire la seule à ne jamais manquer le rendez-vous du 5 Octobre, en réitérant la même revendication : instituer le 5 Octobre journée nationale pour la démocratie.

Tout d’abord, comment avez-vous vécu Hakim Addad, à titre personnel, le 5 Octobre 88 ?

Personnellement, je me trouvais en France à cette époque-là et étais déjà militant dans des associations citoyennes. Très rapidement, on a pris un peu le relais en termes d’information sur ce qui était en train de se passer lors de ces journées sanglantes, en particulier à Alger. Nous avons ainsi organisé plusieurs conférences sur la question et j’ai souvenir d’une grosse manifestation unitaire à Paris en solidarité avec les manifestants en Algérie contre la répression et la torture. C’était une manière de contrecarrer cette fumeuse phrase qui disait que ce n’était qu’un « chahut de gamins » pour lui rétorquer que bizarrement, ce « chahut de gamins » avait énormément de retentissement et de soutiens à travers le monde.

Vous êtes surtout connu comme étant une figure de proue de l’association Rassemblement actions jeunesse. Chaque année, le RAJ commémore infailliblement la journée du 5 Octobre. Pouvez-vous nous expliquer ce que représente exactement le 5 Octobre pour le RAJ ?

Je suis un militant parmi beaucoup d’autres au sein du RAJ. Je profite d’ailleurs de cette tribune pour rendre un hommage appuyé à toutes celles et tous ceux qui militent dans le RAJ et qui alimentent cette association avec leur courage et leur sincérité, au moment où une grande partie de la jeunesse et de la population algériennes parle de quitter le pays. De voir et d’avoir des jeunes, surtout à l’intérieur du pays, filles et garçons qui continuent à porter l’étendard de l’espérance, malgré leurs difficultés de vie, force le respect. Cet hommage va au-delà des « enrajés » et s’adresse aussi à toutes celles et tous ceux qui, chacun dans son coin, quelle que soit son action ou sa fonction, dans l’université ou l’entreprise, participe à faire vivre l’espoir. Le RAJ commémore cette date depuis sa création officielle en 1993, tant il s’inscrit dans le prolongement naturel du mouvement d’Octobre 88. Pour nous, ce mouvement – et non ces émeutes – a changé en profondeur, qu’on l’admette ou non, le paysage politique et social de l’Algérie. Dès le départ, nous avons estimé au RAJ que nous nous devions de continuer à transmettre les messages véhiculés par Octobre 88. Il y a trois messages essentiels que nous délivrons, en l’occurrence. Le premier message, c’est d’abord un travail de mémoire pour dire qu’il ne faut pas oublier pour ne pas recommencer, convaincus que nous sommes que cette date doit rester gravée dans la mémoire collective algérienne. Notre deuxième message porte sur la reconnaissance des martyrs d’Octobre 88 et le combat de ceux qui se sont battus à ce moment-là et pas seulement les gens qui ont disparu. Troisième chose, en étant là, nous disons que nous devons continuer à nous mobiliser pour la liberté et la justice sociale et ainsi pérenniser certains acquis du 5 Octobre 88. N’oublions pas que l’octobre des libertés en Algérie est arrivé en 88, soit bien avant décembre 89 et la chute du Mur de Berlin avec son lot de démocratie en Europe de l’Est.

Comment s’organisent ces commémorations et autour de quels mots d’ordre ?

La cérémonie principale se fait symboliquement à Sahate Echouhada, à Alger, mais d’autres initiatives sont organisées dans d’autres villes du pays où il y a des comités de RAJ. Certaines commémorations ont vu la participation d’autres associations comme l’Association des victimes d’Octobre 88, surtout à Béjaïa, ou encore SOS Disparus et d’autres, mais c’est vrai que c’est le RAJ qui porte un peu seul sur ses épaules tant la commémoration du 5 Octobre, le jour J, que les manifestations qui sont organisées autour du 5 Octobre. De notre point de vue, il ne s’agit pas seulement de se pointer avec une gerbe de fleurs à la place des Martyrs, de lire la Fatiha, d’observer une minute de silence, de se chamailler ou de jouer des coudes à chaque fois avec la police et de repartir chez soi. Il faut aussi faire parler ces événements fondateurs en organisant des conférences-débats autour de gens qui ont vécu ces moments-là, des gens du milieu politique, associatif, journalistique, syndical ou citoyen tout simplement pour éclairer un peu plus notre lanterne sur ce qu’a été Octobre 88 et ce que nous devons faire avec dans l’avenir.

Y a-t-il quelque chose de particulier pour ce 20e anniversaire ?

Cela est un appel à participation. Nous prévoyons un séminaire de deux jours à Alger les 3 et 4 octobre à la Fondation Friedrich Ebert avant la cérémonie du 5 octobre qui aura lieu comme d’habitude à la mythique place des Martyrs à 12h 30, avec la même revendication centrale, à savoir exiger que le 5 octobre soit reconnu journée officielle pour la démocratie. Lors de ce séminaire, nous mettrons l’accent sur le bilan de ces vingt ans. Nous allons nous pencher également sur les perspectives du mouvement social et politique de façon à perpétuer le message d’Octobre 88. Des organisations politiques et sociales, des responsables politiques et syndicaux seront conviés à cet effet ainsi que des défenseurs des droits humains à l’instar de Mustapha Bouchachi, président de la Laddh, et des représentants du monde associatif. Par ailleurs, nous examinerons, cette année, la question des frontières de toutes sortes imposées aux peuples à l’intérieur du Maghreb. Je veux parler de la charte de Tanger qui, en 1958, avait posé les jalons d’un Maghreb sans frontières, et avait soulevé le rêve et l’espoir que les habitants de la région constituent une même entité. Nous consacrerons donc une conférence au 50e anniversaire de la charte de Tanger et ses perspectives. Pour cela, nous sollicitons un grand monsieur, j’ai nommé, Abdelhamid Mehri qui, nous semble-t-il, est le plus à même de parler de cette question. Nous invitons aussi des représentants de pays nord-africains sans toutefois préciser les dates de leur arrivée afin qu’il n’y ait pas de « grève surprise » de quelque compagnie aérienne à la dernière minute, si vous voyez ce que je veux dire…

Que vous inspire le fait d’entendre que vous êtes l’une des rares associations à se revendiquer de la lignée d’Octobre 88 ? Y aurait-il un « malaise » autour du 5 Octobre ? Cette date serait-elle devenue un « tabou » ?

Malaise, tabou, amnésie entretenue, tous ces mots traduisent effectivement une volonté d’occulter cette date. Cela ne flatte pas notre ego d’être malheureusement les seuls à célébrer ces événements régulièrement, même si à certains moments, il y a eu d’autres organisations qui se sont jointes à nous lors de certaines commémorations. De souvenir de militant algérien ayant toujours célébré Octobre 88, il y a toujours eu avant et pendant octobre, de grosses difficultés à organiser quelque chose autour de cette date, à faire parler les gens, y compris la classe politique, y compris aussi nos amis de la presse, alors qu’ils devraient la porter un peu comme leur date de naissance. Autant nous comprenons que le pouvoir veuille enterrer le 5 Octobre et organiser une amnésie collective autour de ce moment historique, autant nous sommes dubitatifs devant le peu d’intérêt manifesté aussi bien par la classe politique de la famille dite « démocratique » que par les médias dits « indépendants » à l’endroit d’une date annonciatrice d’une Algérie nouvelle, voire carrément d’une mise sur les rails d’une deuxième République.

M. Ouyahia déclarait récemment que la rue n’a été pour rien dans ce soulèvement populaire et que ce sont les contradictions internes au système qui ont été à l’origine d’Octobre 88. Qu’avez-vous envie de lui répondre ?

A lui, rien. Je constate seulement que M. Ouyahia a une vision fort limitée, très « œillères », des choses. C’est un débat sur lequel le RAJ s’est longuement penché et nous avons approché à cet effet, entre autres, des personnalités qui à l’époque faisaient partie du pouvoir. Pour ne citer que lui, M. Hamrouche disait, dès 1996 lors d’une université d’été de RAJ, que le mouvement populaire a débordé les luttes de sérail. Cette thèse, selon laquelle la population n’a jamais revendiqué la démocratie et que tout cela est l’œuvre du système, est une lecture éculée, insultante même, comme si le peuple ne pouvait pas s’émanciper sans eux. En ce qui nous concerne, nous sommes arrivés à la conclusion qu’il y avait eu en effet des luttes idéologiques et d’intérêts au sein du sérail, mais en même temps, nous revendiquons le fait que la population algérienne, les jeunes en particulier, a été beaucoup plus loin dans les revendications que le simple « chahut de gamins » qu’avait voulu organiser le pouvoir. Les jeunes l’ont poussé vers beaucoup plus de changements qu’il ne le voulait, l’ouverture politique par exemple.

Pour revenir aux acquis d’Octobre 88 et en particulier la question des libertés fondamentales, pensez-vous qu’il y a un recul des libertés depuis le retour de M. Bouteflika aux affaires ?

Ces libertés acquises dans la douleur ont commencé en vérité à être enterrées par le régime en place à partir de l’arrêt du processus démocratique et électoral en 1992. Donc, ce n’est pas particulier à l’arrivée de Bouteflika en 1999. C’est une question de régime plus que d’hommes. On peut évidemment parler de sa gestion et de son zèle dans l’écrasement des libertés. L’état d’urgence, faut-il le rappeler, est toujours en cours depuis 1992. Les restrictions à la liberté de la presse, les entraves à l’activité politique partisane, syndicale ou associative libre, les atteintes aux droits humains sont quotidiens.

A quoi, il convient d’ajouter l’interdiction d’occuper la rue qui est le plus grand acquis d’Octobre…

Tout à fait. Depuis juin 2001, il nous est interdit de manifester dans les rues d’Alger. Aujourd’hui, le verrouillage est presque total et tant que nous ne sommes pas tous jetés en prison, nous pouvons nous estimer heureux et nous pouvons nous réjouir de notre petit lopin de liberté, dont il faut profiter avant qu’il ne soit trop tard. A tout cela, nous disons non. Comme le dit le slogan « Soyons réalistes, exigeons l’impossible ! » La rue est à ceux qui l’occupent. Avis à la population : rendez-vous pacifique le 5 octobre. Craignez-vous plus de verrouillage avec un troisième mandat de Bouteflika ?

C’est une question de régime, pas seulement d’hommes encore une fois. Qu’il y ait troisième mandat de M. Bouteflika ou premier mandat d’un autre, avec ce même régime, les choses peuvent s’aggraver. Bien sûr, si le régime continue sur cette voie « boutefliko-ouyahienne », cela risque fortement d’empirer. Mais, le régime algérien doit faire très attention, parce qu’il y va maintenant de sa propre survie. Il ne pourra pas éternellement verrouiller la cocotte minute sans laisser échapper un trou d’air, sinon, ça lui explosera à la figure. « Tout pouvoir excessif meurt par son excès même ». Ils devraient méditer cette phrase là haut. Avec ce que nous voyons comme déflagrations à travers l’Algérie, tous les jours de l’année, il est à craindre qu’un jour ou l’autre, il y ait une explosion généralisée.

Vous pensez qu’un autre 5 octobre n’est pas à écarter ?

Absence de libertés, injustices sociales, répression, absence de projets sérieux et autres : les ingrédients sont presque tous réunis comme à la veille d’Octobre 88. Cela dit, un tel scénario n’est pas appelé de nos vœux, parce que nous pensons que la répression sera extrêmement dure et nous ne voulons pas qu’il y ait plus de sang et de martyrs qu’il n’y en a eu d’Octobre 88 à ce jour. Mais, vu toutes les injustices, un tsunami populaire n’est pas à écarter. Et c’est pour cela que nous crions société réveille-toi ! Nos gouvernants sont devenus fous. Le pouvoir ne sera pas le seul perdant s’il y a ce tsunami populaire. Cela risque d’être le chaos. Dans RAJ, il y a « jeunesse » et souvent, le 5 Octobre a été associé à la jeunesse insurgée.

Quelle appréciation faites-vous de la place faite aux jeunes dans la société ?

La jeunesse est présente essentiellement à travers les unes des journaux qui parlent sans cesse de la détresse des jeunes Algériens en termes de harraga, kamikazes, drogue, suicide. Mais malheureusement, hormis les manchettes des journaux, elle n’a pas la place qui lui est due dans la représentation nationale et encore moins dans les institutions. D’où la persistance de ce malaise et de ce cri de rage d’Octobre 88 qui continue à se faire entendre à ce jour… Aussi, devons-nous en tant qu’organisations sociales, politiques, servir de canal d’expression et de mobilisation pacifique dans la société. Il faut que les initiatives autour des libertés se multiplient. Nous pouvons comprendre ce qui a pu amener les jeunes à s’exprimer par l’émeute et cette responsabilité incombe en premier lieu au pouvoir qui a fermé tous les canaux d’expression pacifique dans ce pays et qui, de surcroît, utilise la violence comme forme de gestion de la société, quitte à la créer. C’est pour cela que nous disons à ces jeunes que ce n’est pas la meilleure des solutions. Il faut recréer en eux la foi en la lutte, politique et citoyenne, il faut les amener à s’organiser, à se mobiliser à travers des structures qui, même si elles ne leur conviennent pas totalement, sont là pour leur donner la possibilité de revendiquer leurs droits de manière collective et plus efficace, avec, on l’espère, de meilleurs résultats que la casse. Ceci justement est l’un des acquis d’Octobre 88.

 

Par Mustapha Benfodil

( 28 septembre, 2008 )

Liberté Actualité (Jeudi 06 Octobre 2005)

Commémoration du 5 octobre 1988

Sahat-Echouhada se souvient…

Par :Mustapha Benfodil

 Cette ceremonial de recueillement à la mémoire des Martyrs d’Octobre, si elle n’a pas drainé les masses, elle n’en est pas moins importante par sa portée symbolique, surtout par ces temps d’unanimisme ronronnant.

13h25. Hakim Addad, le secrétaire général de RAJ, aidé par un militant de la même association, s’avance vers le kiosque central trônant à la Place des Martyrs une gerbe de fleurs à la main. Une banderole est accrochée entre deux colonnes du kiosque avec ce slogan : “5 Octobre, journée officielle pour la démocratie en Algérie”. Il n’y a pas foule autour de Hakim Addad. Pour autant, la commémoration ne perd rien de sa teneur symbolique. Nous sommes à quelques mètres de l’endroit où était tombé Sid-Ali Benmechiche, le matin du 5 octobre. Il était journaliste à l’APS.
Comme Sid-Ali, des dizaines de jeunes étaient tombés ici sous les tirs anarchiques des forces antiémeutes se souvient Sahat Echouhada. Voilà qui devrait donner sa pleine justification à cette cérémonie qui drainera tout de même quelques “militants résiduels”, quelques irréductibles de la cause démocratique en ces temps difficiles d’unanimisme ronronnant.
Parmi les présents, Mme Fatima Yous, présidente de SOS Disparus, et M. Yacine Teguia, responsable de la communication au MDS. On notera aussi la présence d’un groupe d’étudiants venus de Béjaïa, d’artistes, de journalistes bien sûr et des badauds. Jusqu’à l’arrivée de la procession, le kiosque était squatté par les clodos. Alentour, les gens s’affairent pour les emplettes du Ramadhan sous le regard des murs vétustes de la somptueuse mosquée Ketchaoua et ceux du Jamaâ El-Kebir ou encore de l’œil torve d’une caméra de la police. Les RG rôdaient mais sans faire de vagues, se contentant de prier Hakim d’écourter la cérémonie.
“Ce rassemblement se veut une pensée pour rappeler qu’il y a eu des gens qui sont morts pour la liberté et la justice sociale dans ce pays. Il faut poursuivre leur combat, d’autant plus que la mémoire du peuple algérien va être enterrée après le 29 et avec elle le sacrifice des martyrs de la démocratie”. Hakim Addad fustige au passage Amara Benyounès qui aurait déclaré que “le 5 Octobre est une journée comme une autre”. Son allocution terminée, une minute de silence a été observée et la Fatiha récitée à la mémoire des martyrs d’Octobre.
En marge de ce rassemblement, Mme Fatima Yous déclarera à Liberté : “C’est difficile de pardonner. On ne peut pas pardonner à ceux qui ont enlevé nos enfants. Nous voulons retrouver ceux de nos enfants qui sont encore en vie et il y en a. Nous exigeons que le régime relâche ceux qui sont vivants. Je continuerai à me battre après cette charte et qu’ils me ramassent s’ils veulent me ramasser !” Pour sa part, Yacine Teguia du MDS a tenu à signaler qu’El-Hachemi Cherif, l’ex-secrétaire général du MDS qui vient de nous quitter, est né un 5 octobre.
Le représentant du MDS tient à rappeler, par ailleurs, la violente répression qui s’est abattue sur le PAGS, alors dans la clandestinité, en octobre 88. “Les militants et les cadres du PAGS avaient commencé à être embarqués et torturés dès le 3 octobre”, précise-t-il. Et de poursuivre : “Malgré tout cet unanimisme fabriqué, la société continue à se battre. Nous assistons tous les jours à des 5 octobre. Le boycott massif du dernier référendum est très significatif. Les germes du 5 octobre sont là, il y a des aspirations démocratiques qui sont exprimées, même si souvent d’une façon spontanée. C’est aux forces démocratiques de leur donner une forme plus élaborée. Aucune société n’a réalisé une révolution toute seule. Il faut une jonction des élites”.
Justement, face au rouleau compresseur en marche, n’y a-t-il pas urgence à tisser des liens organiques entre les états-majors des partis de la mouvance démocratique ? “On peut déjà passer des alliances autour de questions immédiates comme cela s’est fait récemment. Pour le reste, cela dépend des stratégies respectives de chaque formation”, estime Yacine Teguia.

Mustapha Benfodil

( 15 septembre, 2008 )

Passer à un autre stade

Par : Youcef Zirem .

  Le temps passe trop vite. Avec

un peu de recul, l’homme

s’aperçoit qu’il n’est qu’un

passager sur cette terre. A chacun

sa traversée; parfois le chemin est

escarpé et difficile, parfois les choses

s’avèrent simples et faciles.

Paris offre cette opportunité de se

poser, avec détachement, des questions

sur le pays des origines. Dans

quelques jours, l’avènement du

mois d’octobre sera une occasion

propice de se souvenir de ce qui s’est passé il y a vingt ans en

Algérie. Pour la première fois depuis l’indépendance, les

Algériens, aux quatre coins du pays, s’étaient soulevés contre

un système qui les étouffait. Bien sûr que le système luimême,

à travers une de ses fractions, avait encouragé ce mouvement.

Mais très vite, le système avait été débordé et la

révolte populaire s’est imposée pour revendiquer une vie meilleure

réelle, pas seulement celle des slogans. Il y a eu, bien

sûr, des dépassements ; il y a eu aussi une tentative de récupération

du mécontentement populaire par les islamistes.

Mais dans l’ensemble, cette révolte restera comme l’œuvre

majestueuse des enfants d’octobre. Cette œuvre fut majestueuse

dans la mesure où il n’était pas aisé de s’opposer à un

système policier qui surveillait tout le monde. Cette œuvre

majestueuse ne fut aidée ni par l’intelligentsia ni par les opposants

politiques traditionnels; elle coulait de source, car elle

exprimait un ras le bol généralisé. Vingt ans après, les événements

tragiques d’octobre 1988 n’ont pas mis le pays sur les

chemins sûrs de la démocratie, de la justice sociale, du respect

des droits de l’Homme et de la liberté. Pourtant juste après

cette halte sanglante de l’histoire contemporaine de l’Algérie

indépendante, le système s’est relativement ouvert : nous

avons eu une nouvelle Constitution, nous avons eu la liberté de

créer des associations à caractère politique et des journaux

privés ont fait leur apparition. Mais très vite, le système s’est

refermé sur lui-même en gardant une belle façade démocratique.

Le pays est alors entré dans un cycle infernal de violences

multiples qui l’emprisonne jusqu’à aujourd’hui. L’état d’urgence,

décrété le 9 février 1992, est toujours en vigueur.

Aujourd’hui, il est temps d’analyser, sereinement, froidement,

ce qui s’est passé depuis vingt ans en Algérie. Il faudra bien

passer à un autre stade de l’Histoire de ce pays merveilleux

qui peut faire cent fois mieux à tous les niveaux. Le meilleur

hommage à rendre aux jeunes Algériens qui sont morts durant

les événements d’octobre et ceux qui sont morts dans les violences

qui sont venues après, c’est de placer le pays dans une

autre perspective : celle de la démocratie véritable où chaque

Algérien, quelle que soit sa façon de voir le monde, aura sa

place, ses droits, ses devoirs et ses rêves, grâce à l’alternance

politique. Un pays où on ne rêve pas n’est plus vivable. Un

pays qui ne sait pas retenir sa jeunesse et ses compétences

doit se poser des questions.

Youcef. Zirem.

Article paru dans  » Algérie News « 

( 12 septembre, 2008 )

Element de Réfléxion

Alerte rouge: un complot 05 octobre bis est en route.

Mercredi 10 septembre 2008

Nous savions depuis des mois que l’impasse politique dans laquelle s’est fourvoyée l’oligarchie ne pouvait pas perdurer, car elle menaçait tout le régime d’implosion. La catalepsie politique de Bouteflika et son retrait ostensible des tractations claniques, à la veille des élections présidentielles, et dans une situation sociale au bord de l’explosion sociale généralisée, semble avoir poussé les membres principaux de la junte à tenter de rééditer un complot d’envergure, pour reprendre totalement en main une situation qu’ils ne contrôlent plus de la façon qu’ils voudraient.

Nous avons appris qu’un travail d’action subversive, intense et à très large spectre, a été mis en marche pour inciter les jeunes algériens de tout le pays, à se soulever. Des agents provocateurs sont brieffés pour entraîner la foule à commettre des dévastations, des carnages et des viols, dans l’intention d’épouvanter la population et amener celle-ci à supplier l’armée d’intervenir et de sévir contre les “hordes de voyous”.

Un scénario de coup d’état, et l’instauration d’un “Comité de salut public” fantoche seraient à l’ordre du jour. Ce serait pour eux la solution idéale pour faire main basse sur le trésor et permettre à leurs alliés américains de s’installer au Sahel et dans notre Sahara.

Il y a péril en la demeure!
L’Algérie est en danger!

Des dizaines de milliers de tracts et des Mailings appelant au soulèvement sont dirigés par des équipes spécialisés dans la propagande et la subversion. Des agents provocateurs se sont infiltrés au sein des quartiers, dans tout le pays, notamment à Alger et à Constantine pour préparer l’embrasement “spontané”.

Certains corps de sécurité et des voitures banalisés sont fins prêts, pour créer l’affrontement et amener le pays au bord de l’explosion. Mais tout est préparé pour circoncire les émeutes après que celles-ci aient provoqué l’hécatombe au sein des populations. L’armée se prépare, d’ores et déjà, le rôle, encore une fois, de sauveur de la république et de la sécurité publique. Et elle fera en sorte que ce soient les populations meurtries par des jacqueries sanglantes qui l’appelleront à son secours. Le peuple doit continuer à penser qu’il n’est pas apte à se prendre en charge, et que seule l’armée restera un gage de quiétude pour le pays.
Tous les paris sont ouverts et un coup d’état est hautement probable.
Il nous appartient, en tant que peuple, de ne pas permettre qu’une telle horreur se produise. Nous devons déjouer le complot! Il y va de l’existence de notre nation.


Nous devons occuper le terrain politique dès la veille du 05 octobre. Notre jeunesse, dans tout le pays, doit rester vigilante et refuser de répondre à la provocation d’éléments qui seront envoyés pour provoquer le drame. Certes, la situation est devenue intenable pour le peuple algérien, et encore plus pour sa jeunesse. Mais ce soulèvement programmé dans les officines de la junte et de leurs associés de tous bords, ne nous conduira qu’à plus de pouvoir pour la junte, et à plus de malheur et d’oppression pour le peuple.
Nous ne devons pas quitter nos quartiers. Ou mieux encore, nos domiciles.
Nous provoquerons un chahut national qui durera toute la nuit du 04 au 05 octobre.

Nous ferons un vacarme qui étonnera la planète entière, pour attirer l’attention de l’opinion mondiale sur la nature du régime.
Les youyous éclatants de nos sœurs seront une réponse à leurs grognements de charognards.



Mais nous empêcherons toute violence.
Nous démasquerons les agents provocateurs.
Nous protégerons notre patrimoine public.
Nous serons plus intelligents et plus déterminés que leurs stratèges monstrueux.
Parce que nous aimons notre pays et que nous sommes déterminés à le sauver.



Nous serons unis face à l’ennemi. De l’ouest, du Centre, de l’est, du Sud, jeunes et moins jeunes, hommes et femmes, nous leur donnerons une leçon digne de celle que le peuple algérien a administré au pire colonialisme de l’histoire.


Nous devons, pour cela, nous mobiliser tous. Face à leurs moyens, colossaux, qu’ils mettent en œuvre pour nous amener à nous exterminer les uns, les autres, nous devons constituer une armée de la communication et du téléphone arabe. Que chacun d’entre nous se mette en devoir de passer le message au plus grand nombre de nos compatriotes, en arabe, en tamazight et en français, jusque dans l’arrière pays, jusqu’à l’oasis la plus reculée, et la dachra la plus enclavée.
Et que Tahia bladi devienne le lieu ou nous nous rencontrerons pour déjouer toutes leurs manoeuvres. Pour démasquer les agents qu’ils vont infiltrer parmi nous, et déchiffrer les tracts qu’ils vont mettre en circulation. Nous devons faire circuler une seule consigne: Aucune violence!


Mais nous devrons faire briser le mur du silence qu’ils ont érigé autour de notre souffrance, par une presse qui leur est inféodée. Notre cri de colère devra être entendu du monde entier.
Dieu m’est témoin que je n’obéis à aucune injonction si ce n’est celle de ma conscience et de mon amour pour ma patrie, et que ma seule ambition est d’assister à l’avènement d’une Algérie fraternelle.
En avant mes frères et mes soeurs. Notre pays attend de nous que nous le sauvions! Que vienne l’heure de la délivrance et de la dignité.
D.B

 

 

( 12 septembre, 2008 )

La jeunesse dans les luttes sociales

Abdelouhab Fersaoui est un jeune militant algérien. Venu participer au 1er Forum Social Maghrébin, ce fut l’occasion pour moi de le questionner sur la jeunesse algérienne. Qu’a-t-elle en commun avec celle du Maroc ? Il parait évident, en écoutant son discours, que les jeunes au Maroc ou en Algérie ont des luttes similaires, et parfois malheureusement ils font face à la même violence des autorités quand il s’agit de descendre dans la rue pour faire entendre leur voix. Jeunesse ignorée qu’on ne veut même pas écouter. Interview…

1. Pourrais- tu te présenter ?

La jeunesse dans les luttes sociales L135xH175_jpg_photo_1-42420Je suis Abdelouhab Fersaoui, venu de l’Algérie, je représente une association nationale de jeunes : le RAJ (Rassemblement Action jeunesse). Je suis venue au Maroc représenter mon association et les jeunes algériens dans les travaux du portail web Maghreb/Machrek [1]. J’ai auparavant assisté au déroulement des préparatifs du Forum Social Maroc de Janvier 2008.

2. Quelques mots sur ton association ?

RAJ est une association créée en 1993 par un groupe de jeunes algériens dont l’objectif est de promouvoir la défense des droits de la personne humaine, et d’encourager l’émergence des initiatives des jeunes dans le domaine culturel, scientifique, sportif, d’éducation et de citoyenneté. Nos actions se font par des campagnes de sensibilisation, des formations, des stages sur la culture des droits de l’homme.

3. Comment s’est crée l’association ?

Elle s’est crée dans une situation politique instable vécue depuis l’arrêt du processus électoral démocratique en 1992 par des militaires [2]. Cette situation a plongé l’Algérie dans un bain de sang en faisant plus de 200 000 morts, des milliers de disparus, des milliards de dollars de perte dans l’économie nationale, sans parler de la dégradation du niveau de vie de la population. Dans tout ce flou, les jeunes ont perdu leur repères et sont les premières victimes car ils se retrouvent sans perspectives. C’est pour cela que nous voulons faire du RAJ, un espace rassembleur et une tribune d’expression pour les jeunes.

4. Dans quel contexte sociopolitique le mouvement associatif en Algérie a t’il émergé ?

Depuis l’indépendance de l’Algérie en 1962, c’est le régime du Parti Unique (fermeture du champ politique et médiatique) qui a mené l’Algérie à ruiner l’économie nationale et qui a réprimé toutes les forces autonomes. Ce marasme social a déclenché les événements du 5 oct. 1988. Les jeunes sont descendus manifester dans les rues pour revendiquer l’amélioration du mode de vie et l’ouverture du champ politique et médiatique [3]. Ces manifestations se sont déroulées à l’échelle nationale. Malheureusement le régime algérien n’a pas hésité à réprimer violement ces manifestations en faisant plus de 500 morts [4] par balles de la part des forces de l’ordre algérien. Ces événements ont amené une brèche du champ politique et médiatique, ce qui a donné naissances par la suite a des partis politiques, des syndicats autonomes et des associations. Apres la nouvelle constitution de 1990, tout avait l’air de fonctionner jusqu’à l’arrêt du processus électoral démocratique en 1992 (NDLR : il s’agit du coup d’état). Depuis les associations autonomes travaillant en faveur de la population subissent une répression farouche de la part des autorités qui leur empêchent très souvent de faire leurs activités ou de manifester. De plus elles ne reçoivent aucune aide financière ou matérielle.

5. Changement de sujet, tu as participé au Forum Social Maroc en Janvier 2008, et au 1er Forum Social Maghrébin, quel est ton sentiment par rapport au processus pour un Maghreb des peuples ?

Je suis très content d’y avoir participé. Lors des ateliers, des choses concrètes en sont sorties. J’ai bénéficié de l’expérience des autres, d’autant plus qu’il s’agissait (en Janvier) de mon premier contact avec des organisations internationales. Ces rencontres m’ont permis d’échanger des expériences et d’établir des contacts dans la perspective de travailler ensemble. On représente une jeunesse qui a une soif inassouvie d’apprendre de se cultiver, de travailler afin de participer pleinement au développement de notre pays.


[1] Désigne l’Orient arabe, de l’Égypte à l’Irak et à la péninsule arabique.

[2] Coup d’état militaire : le Haut conseil de sécurité renverse le président Chadli Bendjedid

[3] Après Oct.88 on assiste à la création d’une presse autonome capable désormais de dénoncer et de faire la vérité sur certains faits. De plus les événements de 88 ont amené au multipartisme politique : désormais le parti unique mené jusque là par le FLN ne sera plus le seul sur la scène politique. Des partis politiques vont ainsi voir le jour, tandis que d’autres déjà existants vont pouvoir sortir de leur clandestinité

[4] Le bilan officiel table à 176 morts, 900 arrestations et des dégâts matériels de plusieurs milliards de dollars

 

( 8 septembre, 2008 )

Hakim Addad. Secrétaire général de l’association Rassemblement Actions Jeunesse (RAJ)

« Les jeunes ont une mauvaise image de la démocratie »

Hakim Addad. Secrétaire général de l’association Rassemblement Actions Jeunesse (RAJ)

« Les jeunes ont une mauvaise image de la démocratie »

De retour du Forum social mondial, dont le volet africain s’est tenu à Bamako, Hakim Addad, secrétaire général de l’association de jeunesse Rassemblement actions Jeunesse (RAJ) à Alger, revient sur les problèmes qui ont été débattus concernant l’Afrique et le Maghreb :

 

Quelle nouveauté représente pour le mouvement associatif la tenue d’une telle rencontre sur le sol africain ?

C’est une première de voir un Forum social mondial (FSM) en Afrique. Cela a permis de faire se rencontrer des militants du même continent partageant les mêmes luttes. Cette rencontre a été importante. Pourtant, on peut regretter la faible présence des représentants européens, notamment de la France, ils donnent l’impression de « bouder » les Africains. Les organisateurs attendaient 30 000 personnes et on peut estimer que nous étions environ 10 000.

Quels ont été les thèmes dominants du Forum social ?

Parmi les ateliers où je me suis rendu, les thèmes récurrents abordés ont tourné autour des problèmes considérables que connaît l’Afrique : l’information et la prévention contre le VIH a tenu une place particulière au début du séjour. Ce qui a été très positif, c’est que les débats ne se sont pas limités aux altermondialistes et aux militants. Des femmes et des enfants, qui passaient par là, ont été sensibilisés et ont pris part au débat. Par ailleurs, les questions sur la femme, l’émigration et la démocratisation ont été traitées.

Qu’en est-il de la question de la femme en Afrique et au Maghreb en particulier ?

Avec des membres des délégations marocaine, tunisienne et algérienne et mauritanienne, s’est tenue une discussion sur la femme maghrébine. Ce qui en ressort c’est que beaucoup de choses restent à faire. Après avoir écouté des représentants des pays du Maghreb, il en est ressorti que l’Algérie reste bien en retard sur cette question. Au regard des acquis sur l’égalité homme/femme, la Tunisie est en avance, le Maroc aussi, avec la révision de leur code de la famille. Malgré la retouche insignifiante faite à notre code de la famille, l’Algérie reste bien à la traîne sur les droits de la femme. En Algérie, il y a eu un blocage pendant une dizaine d’années. Le mouvement féministe ne peut pas se battre de la même manière dans un pays en guerre.

Vous faites partie d’une association de jeunes. Quelles sont les problématiques inhérentes aux jeunes dans le cadre de cette rencontre ?

Pour ma part, nous animions un débat autour du thème « Jeunesse et Démocratie », au camp Thomas Sankara. Les ateliers étaient menés par les jeunes eux-mêmes, c’était très vivant. Le nombre de participants tournait autour de 50 personnes en moyenne par débat. Nous avons surtout discuté de la manière de « faire » la démocratie dans nos pays respectifs. En effet, les jeunes ont une mauvaise image de la démocratie en l’assimilant aux politiques menées par G.W. Bush ou mêmes par les gouvernements européens. Même si les jeunes veulent que le drapeau rouge flotte partout, ils sont soucieux de défendre leur propre culture ancestrale qui tait les questions de la condition de la femme, par exemple. Le travail à faire dans la réhabilitation de l’idée de la démocratie se situe dans l’affirmation qu’il ne s’agit pas d’un modèle exclusivement occidental et qu’il ne s’agit pas de mettre un bulletin dans l’urne, et d’attendre que le reste suive. C’est un travail au quotidien. C’est le problème que nous connaissons en Algérie. Il a fallu déployer des efforts considérables pour expliquer que la démocratie n’est pas forcément « le monde selon Bush ». L’Europe n’a pas non plus une bonne image auprès des jeunes.

Quelle a été la teneur des débats soulevés ?

La question de l’immigration a été centrale. Cela a permis de se rendre compte que les problèmes de l’émigration ne touchent pas seulement les pays du Nord. Un intervenant togolais confiait qu’il avait traversé 4 fois les frontières algériennes et marocaines, et qu’il a non seulement été refoulé par les deux pays, mais raccompagné à la frontière dans des conditions déplorables. Cela a mis au jour les dissensions qui existent entre les pays. Nous avons parlé des relations Nord-Sud, Sud-Sud et Sud-Nord. Par ailleurs, un débat houleux s’est engagé, dans les ateliers où j’étais présent, autour de l’islamisme qui essaye de se faire une place parmi les altermondialistes. Ce n’est pas parce qu’on lutte contre le capitalisme et son modèle américain qu’il faut s’allier au diable. J’estime qu’un islamiste est un islamiste. Il faut donc faire attention aux alliances dangereuses. Cela ne veut pas dire que nous nous opposons à la religion. Il a seulement manqué un mot, à mon avis, central au débat, c’est le mot « laïcité ». Je pense en effet que c’est la voie à prendre pour sauvegarder et les citoyens et la religion.

Avec quelles conclusions repartez-vous de Bamako ?

Je trouve que la question de l’environnement n’a pas été suffisamment traitée. C’est peut-être dû au fait que les problématiques africaines prioritaires sont plus tournées vers des sujets de première nécessité : il faut d’abord arrêter d’avoir faim pour s’occuper des questions d’environnent. J’espère que les liens et les échanges qu’il y a eu entre les acteurs du monde associatif à Bamako, ne se cantonneront pas aux déclarations de principe. Car si la multiplication des forums sociaux dans le monde est une bonne chose, il faut surtout avancer vers une action concertée entre militants des différents pays africains.

Et l’Algérie, dans tout ça …

L’Algérie bénéficie aux yeux du monde d’une image positive. On croit que tout va bien, or, c’est une vitrine. De nombreuses atteintes aux libertés collectives, individuelles et d’expression sont à déplorer. La question très actuelle de la reconnaissance des libertés syndicales montre à plus d’un titre que l’Algérie ne possède rien de plus qu’une vitrine démocratique que les autorités tentent de montrer. Malgré cela, nous avons pu affirmer, lors de ces rencontres, qu’il existe des gens de la presse qui se battent ainsi que les syndicalistes, les associations de femmes…, et que la résistance est en marche.

A Bouznika (Maroc), se préparent les rencontres préparatoires à un éventuel Forum social maghrébin. Quels sont ses objectifs ?

Tout d’abord réfléchir ensemble sur des thèmes que l’on peut aborder de manière commune. Mais il se pose un problème : aucune organisation n’est une ONG. Par ailleurs, les délégations des différents pays n’en sont pas au même stade dans leur évolution et reflète l’avancée des libertés dans nos pays respectifs . Par exemple, le Maroc, à l’origine de cette initiative, est très présent et implanté dans la société civile du pays. Le Forum social algérien ( FSA) est quand à lui à ses débuts et ses balbutiements, tandis qu’en Tunisie, les tentatives de formation syndicales sont très entravées. Les seules, autorisées à pouvoir s’exprimer, sont les associations de femmes, quant à la Libye, elle n’a même pas pu former de délégation.

Qu’en est-il de l’Algérie, concernant ces questions ?

Concernant la défense des libertés démocratiques, nous constatons malheureusement que l’Algérie a encore du chemin à faire. Nous sommes outrés des pressions faites aux deux journalistes algériens, dont celui d’El Khabar. Nous tenons, au RAJ, aux principes des libertés démocratiques, et nous ne pouvons que dénoncer avec force une énième fois cette nouvelle condamnation. Cela démontre, s’il y a lieu de le faire, de quelle manière est traitée la liberté, à commencer par celle de la presse dans notre pays. Nous ne pouvons que soutenir le journaliste en grève de la faim. Nous faisons nôtre l’exigence de sa libération et de celle des autres journalistes. Cela montre une nouvelle fois l’exigence de rester mobilisés en permanence pour préserver les acquis d’octobre 1988, dont celui du pluralisme de la presse. Nous appelons les organisations, les journalistes et les syndicats à des actions communes pour leur libération, et assurer une continuité au débat démocratique. Les autorités montrent ainsi au monde leur manière de pratiquer la justice, et le respect des libertés démocratiques. Dorénavant, nul ne pourra dire : « Je ne savais pas ».

 

Par Sara Doublier

( 8 septembre, 2008 )

Rencontre avec Hakim Addad, secrétaire général du Raj

 Rencontre avec Hakim Addad, secrétaire général du Raj
Par M. Laribi
 

Parmi les associations qui avaient appelé à la manifestation du 8 août, nous en avons rencontré une qui milite dans le pays depuis 1993.
Le Raj (rassemblement action jeunesse) est de tous les combats. Pendant les périodes les plus dangereuses qu’a connu le pays où toute forme de liberté d’expression était anéantie, le Raj menaient des campagnes de prévention sur le sida où encore des conférences sur les droits de l’homme ! Rencontre avec Hakim Addad, l’actuel secrétaire général du mouvement.
 
 
 
 




 

Dans quelles conditions a été crée le RAJ et qui en étaient les instigateurs ? Hakim Addad : «en décembre 1991, le front islamique du salut (FIS) sort vainqueur des élections législatives -vote qui sera annulé en janvier 1992- c’est à ce moment là que  ceux qui allaient devenir les membres fondateurs du Raj ont réalisé qu’il y avait dans ce pays un réel problème au niveau de l’information et de la sensibilisation de la jeunesse algérienne. Cette jeunesse algérienne de moins de 30 ans représente à elle seule plus de 75% de la population entière. C’est à la suite de toutes ces prises de consciences que nous nous sommes réunis pour créer RAJ. Nous étions 22 membres fondateurs, le même nombre que les instigateurs de la révolution algérienne en 1954 (sourire). Nous étions tous issus de milieux plutôt défavorisés. La plupart d’entre nous étaient soit étudiants soit chômeurs. Nous étions donc très représentatifs de cette jeunesse ligotée dans un pays qui sombrait. Il y avait à l’époque une réelle nécessité de créer une organisation de jeunes complètement indépendante de toute autorité que ce soit d’un parti politique ou du pouvoir lui même. Voilà donc les conditions dans lesquelles le RAJ a été crée ! Quel est le genre d’actions que vous menez ? H.A : le travail des enRAJés était essentiellement socioculturel les deux premières années. En 1995, il y a eu une demande très forte de la part des adhérents que le RAJ prenne position et interpelle le pouvoir politique et l’opposition concernant les violences dans le pays. Le RAJ entamera donc cette même année, une campagne nationale en interpellant le pouvoir afin de trouver une solution à la crise que traversait le pays. Le RAJ lance une pétition et en un mois et demi, grâce à l’activisme de nos militants, nous avons récoltés plus de 20 000 signature. La campagne s’est clôturée avec un grand rassemblement concert où plus de 10 000 spectateurs étaient présents. 

Vous avez décidé de boycotter le festival de la jeunesse après avoir fait partie du comité d’organisation, pour quelles raisons vous êtes-vous retirés et quelles actions avez-vous mené pour le boycotte ? H.A : L’organisation de ce festival était en cours depuis deux ans. Nous étions au début partie prenante de l’organisation pour voir de nos yeux comment ce festival était préparé par les organisations pro gouvernementales mais aussi et surtout pour essayer de faire de ce festival une occasion de parler des réalités de la jeunesse algérienne.   

Nous nous en sommes retirés parce ces réalités de la vie du peuple algérien et de la jeunesse en particulier n’étaient absolument pas prises en compte. Elle aurait dû être pourtant au centre de tous les débats vu les souffrances qu’elle traverse.
Il était donc impossible au niveau de notre morale de duper la jeunesse mondiale venue manifester contre la mondialisation dans un pays où le gouvernement fonce tête baissées vers un capitalisme à la sauvage en privatisant tout en bloc, en licenciant des centaines de personnes et en ouvrant ses marchés aux capitaux étrangers.
Enfin, la raison principale pour laquelle nous avons décidé de faire de ce carnaval un échec est que nous sommes partie intégrante du mouvement populaire et citoyen en cours depuis le mois d’avril dernier. Il nous était donc inconcevable de participer à cette initiative organisée par et pour le pouvoir au moment même où ce dernier tire sur la population à balles réelles et réprime sauvagement les algériens qui se mobilisent pour leurs liberté citoyenne et leur dignité.
Nous avons publié des tracts dans lesquels on dénonçait clairement cette mascarade et nous avons tenté de les distribuer aux délégations étrangère de manière pacifiste. Nous nous sommes rendu à l’entrée de la faculté de Bab Ezzouar où se tenait une conférence dans le cadre du festival. A peine avions nous commencé à distribuer nos tracts que les forces de police se sont mis à nous embarquer un par un et nous ont conduit au commissariat. Après trois heures de garde à vue durant lesquelles nous avons été frappés et insultés, on nous a finalement libérés.
Le lendemain nous avons récidivé. Nous ne pouvions évidemment pas rater la clôture du festival. Nous avons eu beaucoup de mal à distribuer nos tracts, j’ai donc décidé à un moment donné de rentrer carrément dans les bus des délégations étrangères pour leurs donner les prospectus de main à main. Au bout du deuxième bus, les jeunes de la sécurité du festival se sont jeter sur moi et ont faillis me lyncher. Les forces de l’ordre sont arrivées ensuite et m’ont traîner au commissariat d’où j’ai été rapidement libéré. Vous voyez ! dans un pays où les terroristes, les égorgeurs de femmes et d’enfants, sont amnistiés, les actes les plus pacifistes sont sévèrement réprimés. Il faut donc savoir où l’on se place. Nous avons choisi notre camp, c’est celui du peuple dont nous faisons partie.
Pour la vie et pour l’Algérie, nous lutterons toute notre vie ! »
 Propos recueillis par Meriem Laribi
meriemlaribi@yahoo.fr
 
  

( 6 septembre, 2008 )

Riches ou pauvres, ils vivent le même malaise social : Jeunes d’Algérie génération divisée

Dans une meute de loups, un agneau ne peut survivre. » Révolté suite à une récente interpellation de la police, il enchaîne : « Si tu travailles, on te dit que c’est interdit. Si tu voles, on t’emmène en prison. On ne sait plus quoi faire. A chaque minute, un « flic » vient te demander tes papiers pour un examen de situation. Les voleurs sont à côté, mais ils préfèrent ne pas les voir. Ils nous utilisent pour boucher les trous, pour salir nos dossiers, pour qu’on soit des minables, comme les autres. »

« Noooormal ! »

De l’autre côté de la ville, Sidi Yahia, quartier de Hydra au charme évident, incarne l’opulence d’une partie de la population. C’est là que les grandes marques internationales ont choisi de s’implanter. Le quartier est habitué aux voitures rutilantes et restaurants bondés. La rumeur, que rien ne confirme, raconte que certains y dépenseraient jusqu’à « trois smig » par jour. « Oui, les gens ont de l’argent. Il y a beaucoup de nouveaux riches sans savoir-vivre. On les voit vadrouiller dans leurs voitures à moitié saoûls. Toute la jeunesse algérienne est en mal de repères », nous dit Doria, jeune cadre dans une banque privée rencontrée dans l’un des cafés de Sidi Yahia. Les deux jeunesses en seraient-elles au même point ? « Il n’y a pas de différence, les uns sniffent de la colle, les autres fument un joint », affirme sur un ton ironique le représentant d’une association de jeunes. La réalité est plus complexe. « Les gens vivent dans des ghettos. Les mécanismes de la promotion sociale ont changé. L’ascenseur social est en panne. Le fossé va se creuser davantage », nous dit M. Benmerad, expert au Centre national d’études et d’analyses pour la population (Ceneap), ayant réalisé récemment une étude sur « les attentes de la jeunesse algérienne ». L’exhibitionnisme des uns aiguiserait la volonté des autres de s’en sortir. Les jeunes des quartiers dits populaires s’accrochent, s’inventent de nouvelles règles, se cognent à la vie. « Ils ne comprennent pas que leurs parents aient des scrupules, alors que d’autres réussissent par le biais de moyens peu orthodoxes. La règle, c’est la débrouille », explique M. Benmerad.

A chaque époque son langage. Le vocable « normal » est entré dans le hit-parade des termes les plus usités par les jeunes. De fait, tout est devenu « normal ». « Les éléments qui doivent stabiliser la société sont perdus. En raison d’une folle urbanisation, les choses se sont dégradées. La famille n’est plus ce qu’elle était. L’école a perdu sa crédibilité. Il y a un effritement des modèles sociaux. S’il voit que des fortunes se sont faites de manière extraordinaire, il va tenter de faire un grand coup », dit encore l’expert du Ceneap.

« L’enfer, c’est les autres »

Dans la piscine Kiffan-Club près d’Alger, des jeunes se dorent au soleil. Ils espèrent que ce sera pour eux le dernier été dans leur pays. « Je préfère poursuivre mes études à l’étranger. Il y a trop d’agressions, trop de voyous. C’est devenu invivable ici », nous dit Wassil fraîchement diplômé de l’Institut national de commerce (INC). Ses amis se plaignent des « autres », devenus leur « enfer ». « J’aimerais pouvoir m’asseoir dans un parc et profiter de la nature. Hélas, c’est impossible. On nous pourrit la vie », s’exclame Imène. Elle voudrait, elle aussi, quitter l’Algérie emportant ses rêves pour seul bagage.

Il apparaît que malgré le clivage, les deux jeunesses partagent le même désir de partir. « Nous avons le même rêve, mais pas les mêmes ambitions », rectifie Wassil. Et de poursuivre : « Contrairement à eux, nous n’idéalisons pas l’étranger. Nous savons que ce n’est pas l’eldorado, nous sommes conscients que ce ne sera pas facile. » Pour Imène, « en Algérie, les jeunes ont plus de chances de gagner de l’argent. Ailleurs, ils pourraient enfin vivre. » « Si l’on veut gagner de l’argent, il vaut mieux rester en Algérie, mais pour ce qui est de la qualité de vie, il faut aller ailleurs », résume-t-elle. Dans un quartier de Belcourt, sous une chaleur de plomb, Mohamed, papa de quatre enfants, raconte sa vie passée en Espagne. « J’ai vécu deux ans en Espagne, c’était la belle vie. J’ai travaillé dans les vendanges, j’avais une certaine dignité. Ici, c’est différent », dit-il. « Si je pouvais, j’irai à cheval, à pied, à la nage… », lance Makhlouf.

Dans leurs discussions sur l’état actuel de l’Algérie, les jeunes de Belcourt parlent beaucoup de « ouledhoum », traduire : les enfants de ceux qui « tiennent » le pays. « Ils ont des tonnes d’argent, mais rien ne nous parvient. Ils préparent le terrain à leurs enfants. Si au moins ils nous donnaient de l’argent pour nous marier ou des visas pour nous casser d’ici », estime Rédha, technicien supérieur en informatique qui travaille en tant que gardien dans une entreprise publique. La perte de confiance dans les hommes politiques algériens est flagrante. « Les Ouyahia, Belkhadem, c’est notre dernier souci. Ils ne se sont jamais préoccupés de nous, ma chafouch fina, on leur rend la pareille », dit Fayçal, gardien de parking.

Il hésite, cherche les mots justes et lâche : « Lorsque les jeunes des quartiers étaient bouffés par la drogue, les politiciens ne s’y sont jamais intéressés. Ce n’est que lorsque leurs enfants ont été touchés par le phénomène qu’ils ont commencé à s’en inquiéter ». Ces jeunes qui font flipper les jeunes filles au pas pressé disent vouloir « gagner de l’argent » et « fonder une famille ». « On demande un peu d’argent pour manger, c’est tout. Mais ils veulent qu’on soit tous des voyous !!! », maugréent-ils. Le mur sur lequel ils sont adossés porte aussi bien des mots de haine que des déclarations d’amour. Près de l’avenue Docteur Saâdane à Alger, un tag porte un cri de détresse : « Help. »

Par Amel Blidi

( 6 septembre, 2008 )

RAJ commémore la déclaration sur l’unité du Maghreb à l’université de Béjaïa

L’ association RAJ (Rassemblement-Actions-Jeunesse, Algérie) a organisé à l’université de Béjaia les Lundi 28 et Mardi 29 Avril 2008 une conférence-débat « dans le cadre de la dynamique enclenchée par le comité de suivi du FSMagh pour la célébration du 50 ème anniversaire de la conférence de Tanger, conférence qui avait pour objectif l’unité du Maghreb, objectif qui tarde à se concrétiser malgré l’impatience et la longue attente des peuples d’Afrique du Nord. » Le mot d’ordre de l’invitation : « Tous ensemble pour l’avènement d’un Maghreb des Peuples, démocratique, progressiste, et prospère ! »

La conférence était animée notamment par les représentants des syndicats autonomes algériens SNAPAP, CNAPEST et CLA, qui sont intervenus sur le mouvement syndical en Algérie et ses perspectives au niveau du Maghreb. Elle était présentée par Maître Bouchachi, Président de la ligue Algérienne pour la Défense des Droits de l’Homme (LADDH), Maître Ali Yahia Abdenour, président d’honneur de la LADDH. Le RAJ avait prévu de procéder pour cette commémoration à la distribution et à la présentation de la conférence de Tanger et de la charte des peuples du Maghreb.

En Algérie, si l’initiative de RAJ à l’université de Béjaia en petite Kabylie s’est bien déroulée, la commémoration prévue à Alger s’est heurtée en revanche au pouvoir en place avec fracas : le « colloque historique à caractère scientifique » dédié au cinquantenaire de la conférence de Tanger, qu’organisait notamment la haute figure algérienne Abdelhamid Mehri, ancien secrétaire général du FLN (et qui était présent à la fameuse conférence de 1958), a été annulé sans explication par les autorités.

La Commémoration de la Déclaration de Tanger

Quel était l’évènement ainsi commémoré ? Du 27 au 29 avril 1958, s’est déroulé au Maroc un événement important, aujourd’hui pourtant largement oublié : la « Conférence maghrébine de Tanger ». Celle-ci a réuni les dirigeants des principaux partis des gauches nationalistes maghrébines d’alors : le Neo-Destour, l’Istiqlal et le FLN. L’évènement se déroulait en pleine guerre d’Algérie, et deux ans après l’Indépendance du Maroc et de la Tunisie. L’heure était au panarabisme et au tiers-mondisme. Les trois partis nationalistes représentés adoptèrent lors de cette conférence une résolution ambitieuse sur « l’unité du Maghreb », en présence de Ferhat Abbas, Abdelhamid Mehri, Ahmed Boumendjel, Abdelhafid Boussouf, Mehdi Ben Barka…

Fin avril 2008, les mouvements sociaux et les partis politiques, du Maghreb et de l’immigration maghrébine en Europe, ont tenu à commémorer l’évènement. Diverses initiatives organisées un peu partout ont ainsi tenté d’élucider les raisons subjectives et objectives qui ont empêché la réalisation effective de l’unité du Maghreb proclamée en 1958. « Commémorer le 50ème anniversaire de la conférence de Tanger est pour les signataires (1) l’occasion de réaffirmer que l’unité du Maghreb est une aspiration légitime des peuples qui doit se traduire en une volonté politique qui met en ouvre la construction du Maghreb des peuples uni, démocratique, progressiste, moderne et prospère », lit-on dans l’appel à la commémoration qui s’est tenue à Paris fin avril. Celle-ci a réuni Sophie Bessis, Mohamed Harbi, René Galissot et Raymond Benhaïm, autour de Ali Elbaz, qui introduisait la soirée, devant une cinquantaine de personnes.

Une commémoration similaire était organisée le 26 avril 2008 au Maroc, à Tanger même, à l’appel du Comité de Suivi du FSMaghreb, en charge de l’organisation du Forum Social Maghrébin à venir, les 25-26-27 juillet prochains au Maroc. Pour Kamel Lahbib, l’un des initiateurs de cette nouvelle conférence tangéroise, la modeste participation qu’il a enregistrée raconte en creux tout le travail qui reste à faire pour sensibiliser davantage à l’enjeu d’une union maghrébine : « au-delà de l’Appel historique de Tanger, un tel travail pourrait s’appuyer aujourd’hui sur une Charte du Maghreb des Peuples », dit-il. Kamel Lahbib évoque toutefois positivement la participation à cette réunion des partis politiques marocains, notamment l’Istiqlal et l’USFP . « Même si cela semble relever peut-être davantage de la politique-spectacle que de la réflexion profonde sur la signification d’une dimension maghrébine des luttes », nuance-t-il aussi.

D’hier à aujourd’hui

Pourquoi la déclaration de Tanger de 1958, qui proclamait l’Union du Maghreb, est-elle restée lettre morte, « aussitôt proclamée, aussitôt enterrée », comme se désolait Ali Elbaz de l’ATMF en introduction du débat parisien ? Les divers intervenants présents ce soir-là au Centre International de Culture Populaire à Paris, ont avancé des pistes d’explication. « L’idée d’Etat-Nation mise en pratique par les mouvements nationalistes, lesquels avaient en tête leurs objectifs de libération du joug impérialiste, ne concordaient pas forcément avec l’intérêt plus global des sociétés », a commenté René Galissot. « On ne pensait pas alors le Maghreb comme un espace politique à intégrer (à la manière de l’Union européenne par exemple), mais comme espace de solidarité contre l’impérialisme », a complété Mohammed Harbi. « Il est normal que les acteurs politiques d’alors se soient d’abord employé à construire des Etats-Nations, mais les Etats ont ensuite tenter de surmonter les luttes politiques internes en se construisant les uns contre les autres et en raffermissant ainsi l’idée nationale en commun. Pourtant, il existait une volonté réelle de Maghreb commun », a renchéri Raymond Benhaïm. « Ce sont les populations qui pâtissent encore et toujours de ce ’non-Maghreb’ », a commenté pour sa part Sophie Bessis. Pour elle, « les pays du Maghreb ont choisi de privilégier la construction de relations Nord-Sud plutôt que des relations horizontales entre eux. Mais est-ce la seule faute des Européens ? Aujourd’hui, l’Union du Maghreb Arabe est un cadavre qui bouge à peine. Et les nouvelles politiques antiterroristes internationales, le souci du contrôle des flux migratoires méditerranéens, achève aujourd’hui de faire des Etats maghrébins les supplétifs des pays du Nord. Il faut réfléchir à un projet fédéral qui détache le Maghreb de ces rapports Nord-Sud. »

Pour Raymond Benhaïm, « ce qui bouge et importe aujourd’hui se déroule non pas dans les partis, mais dans les mouvements sociaux. Ce qui compte désormais le plus, c’est la transversalité à créer et conforter entre ceux-ci. » Voilà pourquoi selon lui « le Forum Social Maghrébin est un événement important, d’une grande maturité politique, comme il l’a montré déjà lors de ses diverses rencontres préliminaires.. » De fait, la perspective du FSMagh de juillet au Maroc était implicitement présente dans cette réunion. « On est tous d’accord que ce qu’il faut amplifier aujourd’hui, ce sont les mouvements sociaux et les mouvements des droits », a conclu René Galissot. « N’oublions pas cependant, comme ce fut le cas en 1958, que le Maghreb, c’est aussi la Mauritanie, le Sahara Occidental et la Libye… », a commenté au sortir de la réunion un jeune acteur civil sahraoui, par ailleurs actif dans le processus du Forum Social Maghrébin.

( 6 septembre, 2008 )

1er Forum social maghrébin : Pour un Maghreb solidaire et prospère

 L’ONG algérienne RAJ (Rassemblement Actions Jeunesse), le Forum social algérien (FSA), le Snapap et le CLA, SOS Disparus ainsi que l’Association pour le tourisme et l’environnement ont participé au 1er Forum social maghrébin qui s’est déroulé du 24 au 26 juillet à Al Jadida, au Maroc.

« A l’heure de la commémoration du cinquantenaire de la déclaration de Tanger, il était primordial pour nous, le RAJ, et pour nos autres partenaires réunis à ce forum de faire le bilan et surtout de tracer les perspectives pour la construction du grand Maghreb démocratique des peuples, rêve de nos aînés et qui reste d’actualité, aujourd’hui plus que jamais », lit-on dans le communiqué de RAJ. « En soutien aux différents mouvements sociaux dans le Maghreb, dont le mouvement des professeurs vacataires en Algérie, les participants au forum ont organisé un rassemblement le 26 juillet à l’entrée de l’université de la ville Al Jadida », précise le même communiqué. Ce forum maghrébin a été également l’occasion de lancer le comité de suivi pour la création de e-joussou.net, un portail internet ouvert à la société civile du Maghreb et du Machrek. Le RAJ a été choisi comme le promoteur algérien de ce portail alternatif. Le RAJ sera ainsi chargé de faire adhérer le maximum d’associations et d’ONG algériennes à ce projet. Il a été prévu aussi que le RAJ entame un programme de travail commun avec l’ONG marocaine Action Jeunesse. Enfin, le 1er forum maghrébin du genre a été clôturé par l’adoption de la charte des peuples du Maghreb. Les quelque 2000 participants au forum qui ont adopté « la Charte du Maghreb des peuples » ont exprimé leur détermination à œuvrer à jeter les jalons d’un Maghreb « de paix, de solidarité et de prospérité partagée ». La Mauritanie devra accueillir le deuxième Forum social maghrébin l’année prochaine.

Par Adlène Meddi

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