( 7 octobre, 2008 )

Octobre88-Octobre2008

El moudjahid écrit sur R.A.J !

L’association “RAJ” commémore les évènements du 5 octobre 1988

 

L’association nationale des jeunes “RAJ” a organisé hier, à Alger une cérémonie de commémoration du  20ème anniversaire du 5 octobre 1988 au cours de laquelle les participants se sont recueillis à  la mémoire des victimes de ces évènements et brandi des slogans pour la protection des droits de l’homme et en faveur de la démocratie et de la justice sociale. Il a été procédé lors de cette cérémonie à la lecture d’une déclaration dans laquelle les organisateurs rappellent que ces “douloureux évènements” ont mis fin à la pensée unique et permis “l’exercice de la liberté de rassemblement,  d’attroupement et d’expression”.  La déclaration souligne la nécessité “de préserver les acquis”  du 5 octobre 1988, même s’ils sont “minimes et tout à fait relatifs”. La déclaration indique par ailleurs que 20 années représentent “une période suffisante pour évaluer le bilan et tracer les perspectives et aspirations  d’un avenir prometteur pour tous 

 

 

Interdiction de la rencontre-débat sur le 5 Octobre 1988-Maître Bouchachi : « C’est scandaleux ! »

La fondation Friedrich Ebert fait de nouveau les frais de la censure officielle. La rencontre-débat que devait abriter hier la fondation sur les événements du 5 Octobre 1988 à l’initiative de la Ligue algérienne pour la défense des droits de l’homme (LADDH) a été interdite.

L’ONG allemande a invoqué « des raisons indépendantes de sa volonté » pour justifier l’annulation de la rencontre que devaient animer Abdelhamid Mehri (ancien secrétaire général du FLN), Nacer Djabi (sociologue), Me Ali Yahia Abdenour et Me Bouchachi, président d’honneur et président de la LADDH. Aucune autre explication ni précision sur l’autorité ayant signifié l’interdiction n’ont été avancées. La direction de la fondation s’est refusée à tout autre commentaire. Une attitude prudente que justifient sans doute les franches mises en garde dont elle a été récemment la destinatrice de la part d’un des représentants du pouvoir. Le patron de la Centrale syndicale, Abdelmajid Sidi Saïd, a lancé en effet la semaine dernière une attaque en règle contre la fondation qu’il accuse d’« outrepasser ses prérogatives et missions en Algérie ». Le SG de l’UGTA a même appelé les autorités du pays « à reconsidérer la présence de la fondation en Algérie ».

Une menace qui vient ponctuer une série de conférences sur des thèmes socio-économiques organisées depuis le début de l’année par la fondation Friedrich Ebert et dont les contenus et critiques n’ont assurément pas été du goût des gouvernants. Le dernier séminaire en date, organisé vendredi et samedi par l’association RAJ au niveau de la fondation sur « Les 20 ans d’Octobre 1988 » a certainement fait de l’effet en haut lieu. Les piques acerbes lancées à partir de la tribune de la fondation par les intervenants au séminaire, Idir Achour du CLA, Ahmed Bettatache du FFS, Hakim Addad de RAJ et Kamel Belabed du Collectif des familles de harraga ont-elles été perçues comme étant « de trop » par le pouvoir en place ? Tout porte à le croire.

La fondation Friedrich Ebert, qui servait jusque-là d’espace d’expression et de débats libres et contradictoires, pourrait bien faire les frais d’une sanction qui ne dit pas encore son nom. Kamel Belabed lançait, vendredi, en bouquet final sous les applaudissements des participants, son cri rageur : « On vient condamner les harraga à la prison ferme, alors que ce sont eux les criminels (les gouvernants). Ils ont démantelé l’économie nationale, les sociétés nationales, ils ont généralisé la précarité. N’est-ce pas là des agissements criminels ? » Fin de citation au vitriol. « C’est scandaleux. Honteux », qualifiait hier, lors d’un point de presse, Me Bouchachi, président de la LADDH. Il s’étonne que « 20 ans après Octobre 1988, les Algériens n’aient toujours pas le droit de se réunir chez eux et de débattre pacifiquement des questions qui les concernent ». Le pays est précipité, selon lui, dans une sarabande de « reculs » en matière de libertés publiques.

La décision d’interdire la rencontre, venue d’après lui « d’en haut », illustre parfaitement « la régression en matière de droits et libertés » qui affecte la société algérienne de plein fouet, deux décennies seulement après le soulèvement d’Octobre. Me Ali Yahia Abdennour, président d’honneur de la LADDH, pense que le rétrécissement du champ d’expression libre en Algérie ira en s’accentuant à mesure que s’approchent les rendez-vous électoraux. Le pouvoir, dit-il, « veut avoir le champ libre en prévision de la révision de la Constitution et de l’élection présidentielle en escamotant dès à présent les débats ». De telles interdictions viseraient, d’après l’avocat des droits de l’homme, à pousser la société à occuper la rue et à rechercher la confrontation. « Un piège, conclut-il, dans lequel il ne faudrait pas tomber. »

Par Mohand Aziri

Le rassemblement du 5 octobre mobilise une large participation citoyenne : Le RAJ reconquiert Sahat Echouhada

 6 octobre 2008

 Défi relevé avec panache par le RAJ : le rassemblement auquel l’association avait appelé à Sahat Echouhada pour commémorer le vingtième anniversaire des événements d’Octobre 1988 aura été un franc succès.

Dans les rédactions, dans les milieux initiés, sur les forums internet et ailleurs, tout le monde se posait la question de savoir si les autorités allaient laisser faire ou bien sévir comme d’habitude, fidèles à leur credo qui consiste à interdire systématiquement aux Algériens d’occuper la rue sans une autorisation expresse que l’on sait généralement impossible à obtenir.

Midi. A la place des Martyrs, aucun mouvement particulier ni un quelconque dispositif policier ne se démarque. Seul un camion de transfusion sanguine, stationné à la lisière de la mythique placette, jure avec le décorum habituel. Un peu plus tôt, dans le ciel, un hélico bourdonnait au-dessus d’Alger. Etait-il en mission de surveillance aérienne ? Mystère et boule de gomme. Sinon, il fait très beau et les Algérois reprennent peu à peu leur train-train quotidien, émergeant difficilement de la torpeur d’un long week-end post-ramadhanesque. 12h15.

Autour de la place des Martyrs, des jeunes venus en rangs dispersés commencent à se rapprocher du kiosque trônant au milieu de la placette, d’ordinaire squatté par les badauds, les chômeurs et les SDF. Hakim Addad donne les dernières consignes à ses camarades tandis que des citoyens venus spécialement pour le rassemblement, l’air perplexe, avancent timidement vers le kiosque central en se demandant jusqu’à la dernière minute à quel moment les « flics », censés être embusqués au milieu du peuple, vont-ils surgir pour disperser les manifestants comme à l’accoutumée.

Une commémoration-spectacle

12h25. Le secrétaire général du RAJ donne le signal cinq minutes avant l’heure annoncée pour le lancement de l’action convenue. Celle-ci prendra les allures d’un véritable « happening politique » orchestré avec maestria. Les « enrajés » se donnent ainsi le mot pour extirper d’un même geste des pancartes dissimulées avec soin et envahir d’un mouvement synchrone le kiosque insulaire, théâtre de la commémoration-spectacle. Les pancartes, de couleurs différentes et toutes floquées du sigle de l’association RAJ, déclinent chacune un slogan ou une revendication : « Pour la justice sociale », « Pour la liberté de la presse », « 5 octobre 1988-5 octobre 2008 : l’espoir continue », etc. Une banderole est brandie sur laquelle est écrit : « Le 5 Octobre : Journée officielle pour la démocratie. » Bientôt, une nuée de bras se lèvent, leur pancarte à la main, scandant en chœur des mots d’ordre revendicatifs : « Houriya, dimocratia, adala ijtimaîya » (liberté, démocratie, justice sociale), et d’autres slogans portés par une même voix. Le décor est campé et toujours pas de barbouze à l’horizon. Les agents des RG se font discrets.

Seul un agent de l’ordre indolent pointe parmi une ribambelle de curieux qui se demandent ce qui se passe. Un jeune potache interroge : « Wech kayen kho, wech s’ra ? » Il découvre sur le tas des événements vieux de vingt ans, des histoires de nouveaux martyrs et le récit d’une Algérie dont il n’a jamais entendu parler. Côté foule, signalons la présence très remarquée de Mme Fatma Yous, présidente de l’association SOS Disparus, accompagnée d’un groupe de femmes, des mères de disparus. Un homme arbore la photo d’un de ses fils enlevé le 9 septembre 1993.

« Merci d’avoir rangé vos matraques »

Outre les familles de disparus, des militants politiques et du mouvement associatif, notamment de l’association Le Souk, ont fait le déplacement ainsi que de nombreux journalistes. Même l’APS couvre, à la grande surprise de Hakim Addad, qui réserve un accueil particulier à l’envoyé spécial de l’agence d’information gouvernementale. Rappelons qu’à quelques encablures de là, Sid Ali Benmechiche, journaliste à l’APS, était tombé sous les balles de la répression en octobre 1988. Porté par une foule compacte de jeunes très motivés, Hakim Addad prononce un discours où il rend un fervent hommage au combat pour les libertés, symbolisé par le soulèvement du 5 Octobre. « Sans le 5 Octobre, il n’y aurait pas eu de pluralisme », martèle-t-il.

« Les enragés n’oublieront pas ceux qui se sont sacrifiés pour la liberté et la démocratie. A ceux qui disent que le pouvoir a fabriqué le 5 Octobre, nous leur disons que le peuple algérien n’est pas mineur. Echaâb yaâraf slahou. Le peuple n’a pas attendu qu’on vienne le sortir. C’est lui qui a imposé le changement, pas des clans du pouvoir, aussi puissants soient-ils. » A un moment donné, Hakim Addad a un mot pour les autorités qui se sont montrées étrangement souples et « passivement » coopératives : « Nous commémorons chaque année le 5 Octobre et nous sommes agréablement surpris que les autorités n’aient pas tenté d’empêcher ce rassemblement et de ne nous avoir pas tabassés, comme ils le font d’habitude. Espérons que c’est un nouveau départ pour l’Algérie et la démocratie », se félicite le leader du RAJ, qui insiste sur le caractère résolument pacifique des actions de cette association. « Aujourd’hui, le RAJ s’est réapproprié la rue. Et pacifiquement. Cette rue qui nous est interdite à Alger depuis un certain 14 juin 2001. Nous en appelons à la continuité de notre lutte pacifique. Nous continuerons à œuvrer dans la lignée du combat de nos parents durant la guerre de Libération nationale jusqu’à ce que l’on recouvre notre dignité. »

Au terme de l’allocution de Hakim Addad, la fatiha a été récitée à la mémoire des martyrs d’Octobre 1988 suivie d’une minute de silence, clôturant en beauté une cérémonie qui s’est déroulée dans la sérénité et la ferveur démocratique. C’est à la fois une belle image et un beau couronnement pour le parcours militant du RAJ qui, faut-il le dire, s’est retrouvé souvent seul à Sahat Echouhada, une gerbe de fleurs à la main, au milieu d’une agora copieusement « fliquée », pour revisiter le « chahut de gamins » et raviver la flamme d’Octobre. Et c’est d’autant plus méritoire qu’il a réussi le coup de force – une fois n’est pas coutume – d’avoir trouvé un curieux modus vivendi (fût-il purement tacite et non négocié) avec les services de sécurité. Le RAJ peut se targuer d’avoir rallumé la fière colère des luttes citoyennes et redonné le goût de l’action militante aux plus jeunes.

Et surtout redonné à Octobre sa pleine signification politique et symbolique et son ancrage populaire. Oui, car le rassemblement d’hier, au-delà des taux de présence et de connivence, vaut surtout par sa portée psychologique et pédagogique. Il s’agit maintenant de montrer persévérance et assiduité dans la lutte pacifique jusqu’à ce que démocratie s’ensuive et que l’utopie d’Octobre ait un siège (et un cierge) permanent à Sahat Echouhada.

Par Mustapha Benfodil

De « Bab El Oued Chouhada » à la république des harraga

6 octobre 2008

séminaire sur les 20 ans d’octobre 1988 à l’initiative de RAJ

El Watan, 4 octobre 2008 Deux jours durant, un séminaire, abrité par la fondation Friedrich Ebert et organisé à l’initiative de l’association Rassemblement Actions Jeunesse (RAJ), commémore les vingt ans d’Octobre 1988. Des personnalités du monde politique, associatif et syndical ont eu à disséquer, lors de cet inépuisable débat, le legs d’Octobre en tentant de donner un second souffle et une deuxième vie à un moment charnière dans l’histoire de l’Algérie contemporaine. 

Interroger le 5 Octobre, sa genèse, ses conséquences et ses effets sur l’Algérie d’aujourd’hui, voilà un écheveau de questions bien coriaces que se propose d’examiner un séminaire de deux jours hébergé par la fondation Friedrich Ebert, à El Biar, les 3 et 4 octobre, à l’initiative de l’association Rassemblement actions jeunesse (RAJ). Une manière de commémorer comme il se doit le vingtième anniversaire des événements d’Octobre 1988. Sur un mur, une banderole proclame : « Le 5 octobre, journée officielle pour la démocratie », une revendication chère à nos amis du RAJ. En dépit du fait que le séminaire soit intervenu dans le prolongement de l’Aïd et un vendredi de surcroît, la salle de la fondation Ebert était pleine hier. Le gros de l’assistance était constitué de jeunes, dont beaucoup n’étaient pas nés en octobre 1988 ou étaient à peine hauts comme trois pommes. Côté tribune, le RAJ a fait appel à des associations, des syndicats autonomes ainsi que des personnalités politiques pour conduire le débat. Ainsi, à la séance d’ouverture, se sont succédé Ahmed Bettatache, un représentant du FFS, Idir Achour, représentant du CLA, Kamel Belabed du collectif des familles de harraga de la wilaya de Annaba et Hakim Addad, secrétaire général de RAJ. Un keffieh autour du cou, l’emblématique leader de RAJ introduit le débat. D’emblée, l’orateur entend clarifier les choses en décrivant les événements d’Octobre 1988 comme « un mouvement social et politique et non pas de simples émeutes ». Et de souligner le rôle prépondérant de ce soulèvement populaire en insistant sur le fait que « c’est un moment fort qui a fait basculer l’Algérie dans une ère nouvelle où l’on est passé d’une situation de parti unique, de pensée unique et de presse unique à une configuration de type pluraliste ». 

« L’Algérien n’est pas un tube digestif ! »  

Hakim Addad entreprend ainsi de répondre à ceux qui « minimisent l’effet octobre 1988 » en leur rappelant que c’est grâce à l’intifada démocratique de l’automne 1988 que des partis d’opposition, des associations citoyennes, des syndicats autonomes et des journaux indépendants ont pu voir le jour « avec toutes les limites de cette ouverture », précise le conférencier pour dire l’ampleur du combat qui reste à mener afin de construire une vraie démocratie. « On ne peut pas honnêtement dire ‘’Octobre ma jabenna walou’’, qu’Octobre 1988 n’a rien apporté. » Et de lancer à l’adresse de Bouteflika et Ouyahia : « M. Bouteflika vous avez tort, M. Ouyahia vous avez tort. Les Algériens sont sortis en 1988 pour la liberté et la justice sociale, et leur corollaire la démocratie. Ils ne sont pas sortis pour le ventre comme le laissait entendre récemment M. Bouteflika depuis Genève. » Une manière de leur signifier que « l’Algérien ne se réduit pas à un tube digestif ». « Nous ne croyons pas aux mouvements totalement spontanés. Certainement, il y a eu au départ une tentative de manipulation de la part du régime. Mais le pouvoir a été débordé, et les droits arrachés ont advenu par la volonté du peuple ». A la suite de cette allocution liminaire, deux jeunes ont lu chacun un poème de Mahmoud Darwich en hommage à l’Aède d’Al Jalil et la conscience torturée de
la Palestine libre qui nous a quittés le 9 août dernier. Enchaîne à la tribune le représentant du FFS et professeur de droit, Ahmed Bettatache. Son intervention suscitera un déluge de questions de la part de la salle. Il situe sa communication autour du pluralisme démocratique et l’expérience du FFS. 

« Résistance, pas opposition »  

D’entrée, le conférencier assène : « Paradoxalement, le pluralisme partisan a connu son âge d’or durant la période coloniale. » Il argumente en avançant que la classe politique de l’époque avait plus de maturité et d’envergure. Concernant Octobre, il dira : « Quoi qu’on en dise, les événements d’Octobre étaient l’expression d’une revendication populaire pour le changement. » Et d’arguer que l’aspiration à la liberté est consacrée tant dans le corpus religieux que dans la mémoire collective à travers la guerre d’Indépendance. Mais, déplore-t-il, « depuis février 1992, nous sommes sous l’état d’urgence, ce qui donne les pleins pouvoirs aux services de sécurité ». M. Bettatache a ensuite souligné le rôle du Contrat de Rome qui est toujours d’actualité, insiste-t-il. Il regrette, au passage, le sort de ses signataires : « Il y a eu un coup d’Etat scientifique contre Abdelhamid Mehri. Djaballah a été dépossédé de ses deux partis, Ennahdha ensuite El Islah, et le PT, avec tous mes respects, a changé de ligne politique », avant d’aboutir à la conclusion que « tous les partis ont été infiltrés ». « Que le FFS, avec sa ligne radicale, ait survécu à tout cela relève du miracle », ajoute-t-il. Pour lui, le FFS n’est pas un parti d’opposition « puisque ce sont les élections libres qui déterminent qui est au pouvoir et qui est dans l’opposition ». « Nous, nous sommes plutôt un parti de résistance », dit-il. « Aujourd’hui, la plupart des partis sont devenus des appendices du pouvoir. 

Vingt ans après Octobre 1988, nous sommes devant une situation de ‘’ridda dimocratia’’ pour user d’un terme religieux (une trahison démocratique) », estime M. Bettatache. « Nous avons connu deux ans de ferveur démocratique ; après, il y a eu ce coup d’Etat contre le gouvernement Hamrouche suivi d’un putsch contre Chadli. Il y a une vraie crise de représentation en Algérie. Les vrais décideurs sont au sein de l’institution militaire. Ce sont eux qui vont choisir le prochain président et les autres candidats vont servir de lièvres. » Pour toutes ces raisons, le conférencier subodore que le FFS, sauf données exceptionnelles, n’ira pas à la prochaine présidentielle, car il ne saurait cautionner « un carnaval politique ». M. Bettatache ne manque pas de mettre l’accent sur l’initiative lancée par Aït Ahmed, Abdelhamid Mehri et Mouloud Hamrouche pour envisager une autre alternative politique à l’impasse actuelle. 

Haro sur la « désyndicalisation »  

De son côté, le représentant du CLA, Idir Achour, étrenne sa communication en rendant un vibrant hommage à Redouane Osmane, fondateur du CLA et l’un des acteurs d’Octobre 1988, dit-il. Il rappelle que le 5 octobre c’est aussi la journée mondiale de l’enseignant et qu’elle coïncide avec la grande grève des enseignants de l’automne 2003 sous l’impulsion de Redouane Osmane, grève qui avait duré trois mois. Tout au long de son exposé, Idir Achour s’attache à dresser un état des lieux des luttes sociales. Il fait d’emblée le distinguo entre les indicateurs macro-économiques qui sont la fierté du gouvernement et la réalité micro-économique qui confine à la misère sociale. « Mieux ça va en haut, plus ça empire en bas », résume-t-il. Dressant un tableau des acquis d’octobre, il recense « plus de 50 partis politiques agréés, plus de syndicats autonomes créés et plus de 1000 associations à caractère social ou culturel ». Le représentant du CLA fait toutefois le constat d’une forte « dépolitisation » et d’une « inquiétante désyndicalisation » qui gagne la société. « Or, sans une reconsidération de l’action politique, pas de pouvoir d’achat », souligne-t-il. « Quand je me lève le matin et que je ne trouve pas d’eau dans mon robinet, c’est politique. » A côté de cela, il relève une dangereuse précarisation de l’emploi couplée à un surendettement des ménages. Il constate que la « scène syndicale était dominée de 1962 à 1988 par le ‘‘Syndicat unique’’ », comme on parle de pensée unique et de parti unique. 

« Aujourd’hui encore, malgré la profusion de syndicats autonomes, aucun ne peut se prévaloir d’être un partenaire social », ajoute-t-il. Pour lui, il est impératif que les syndicats autonomes créent sur le terrain un rapport de force favorable, avant de lancer : « Hélas, tous les moyens de lutte ont été épuisés, y compris la grève de la faim qui est le stade suprême de la lutte pacifique. Les grèves, qu’elles soient pacifiques ou ‘‘cassifiques’’, sont mises en échec. Il faut réfléchir à d’autres moyens de lutte. » Aussi, recommande-t-il, un regroupement des syndicats libres au-delà de leurs intérêts corporatistes, avec comme thème fédérateur le pouvoir d’achat. Idir Achour rêve d’un front syndical unifié, une « nouvelle centrale syndicale », sorte d’UGTA parallèle, « avec une ligne revendicative ». Et de plaider pour la réappropriation de la rue. Il appelle aussi à la création d’une association des chômeurs et à l’institution d’une allocation chômage. 

« Les harraga sont les enfants d’Octobre »  

Kamel Belabed, représentant du collectif des familles de harraga de la wilaya de Annaba, a évoqué pour sa part la question brûlante de « el harga », l’immigration par mer, qui, à elle seule, résume tout l’échec et toute la faillite de la politique actuelle, à quoi il conviendrait d’adjoindre ces deux autres indices que sont la multiplication des émeutes spontanées et la prolifération des kamikazes. Refusant de faire des harraga des « voyous suicidaires », il lance : « El harga est devenue une forme ultime d’expression tout comme les événements d’Octobre. C’est une manière d’exprimer un ras-le-bol, voilà tout. Pour moi, les harraga sont des rebelles. Certains sortent pour casser et faire des émeutes, d’autres prennent la mer pour sauver leur peau. J’entends souvent les gens accabler les harraga en les traitant d’inconscients et de suicidaires. Non. Ce sont des gens qui veulent vivre dans la dignité et qui aspirent à une vie meilleure ailleurs, même s’ils n’ont que 1% de chances d’y parvenir. Ils se sentent comme à Ghaza, tant l’horizon pour eux est verrouillé. » Il signale que pas moins de 1700 articles de presse ont été recensés sur la question « et on n’a pas tout lu ». Quelques-uns de ces articles sont exposés dans la salle. « La harga c’est donc un prolongement de cette lutte pour la dignité. Le message de nos enfants est : ‘’si vous, vous consentez à vivre dans cette hogra, nous, on ne peut pas cautionner ça’’ », poursuit l’orateur. Et de s’indigner contre la criminalisation en cours de la harga considérée désormais comme un délit puni par la loi. 

« On vient condamner les harraga à la prison ferme, alors que ce sont eux les criminels (les gouvernants). Ils ont démantelé l’économie nationale, les sociétés nationales, ils ont généralisé la précarité. N’est-ce pas là des agissements criminels ? », fulmine Kamel Belabed. « Au lieu de régler les problèmes des jeunes, ils ont mis au point cette politique infâme du préemploi. Et quand les jeunes fuient légitimement cette situation, on pond clandestinement une loi qui les condamne à la prison. Il s’est même trouvé des imams pour prononcer une fetwa contre ceux qui prennent la mer en leur promettant d’aller en enfer, comme s’ils n’étaient pas déjà en enfer. » Kamel Belabed aura droit à plusieurs ovations tant son cri du cœur a ému la salle composée à 90% de jeunes de l’âge de son fils, disparu en mer. Hakim Addad prend le relais pour dire que les harraga partent pour un « mieux-vivre » et guère pour mourir. Dans la foulée, il exhorte les jeunes à s’impliquer davantage pour prendre leur destin en main. « Si tu ne t’occupes pas de politique, la politique s’occupera de toi », conclut-il en les invitant à s’engager massivement dans le front social, politique, associatif et syndical déjà existant, en attendant l’émergence d’autres espaces d’expression. Hakim Addad a appelé pour finir à un rassemblement pacifique à la place des Martyrs ce dimanche 5 octobre, à partir de 12h30. 

La séance de l’après-midi a été dédiée à une communication prononcée par Me Mustapha Bouchachi, président de
la LADDH, sur « le rôle de
la Constitution dans la promotion des droits humains et du citoyen ». Pour cette deuxième journée est attendue, notamment une conférence de Abdelhamid Mehri consacrée au Maghreb des luttes. 
Par Mustapha Benfodil 

 

 

5 octobre 2008

Il faut protéger les acquis démocratiques aussi minces soient-ils, car ils nous donnent le moyen d’exister. Et pour finir, je dirai que le monde ne sera pas détruit par ceux qui font le mal, mais par ceux qui les regardent agir et qui refusent d’intervenir. 
Midi Libre : Quel est l’objectif de ce séminaire placé sous le mot d’ordre «le mouvement d’Octobre 88, vingtième année, et l’espoir continue» ?
Hakim Addad: Comme à chaque année, le RAJ commémore les événements d’Octobre 88. Aujourd’hui, à l’occasion du vingtième anniversaire des événements chers à tous les Algériennes et Algériens, nous voulons faire une halte. Il s’agit de tirer des leçons, des bilans et tracer des perspectives, après une vingtaine d’années, sur les événements d’octobre. C’est dans cette optique que s’inscrit le séminaire ouvert depuis samedi jusqu’à demain et auquel des représentants de la société civile, politique, du monde associatif et syndical ont pris part. Au travers de ces rencontres-débats organisées à l’occasion, nous voulons surtout rendre hommage à tous ceux qui ont sacrifié leur vie et lutté pour l’avènement du

pluralisme politique, pour qu’enfin les libertés démocratiques puissent voir le jour en Algérie et sortir du vieux carcan de la pensée unique. Nous voulons aussi faire entendre notre voix, en signifiant aux dirigeants que nous ne sommes pas près d’abandonner le combat et le sacrifice de nos aînés. 

Que signifient pour vous les événements d’Octobre 1988 ?
Les événements d’Octobre 1988 signifient pour le RAJ un véritable tournant dans l’histoire de l’Algérie indépendante. Les Algériens, sortis dans la rue un certain cinq octobre 88, ont, faut-il le souligner, obligé le régime politique d’alors à s’ouvrir, et à ce que la démocratie voie le jour en Algérie. Certes, c’était loin d’être parfait, il fallait encore et encore œuvrer et lutter quotidiennement pour préserver notre démocratie naissante. Toutefois, nous pensons que le plus dur sacrifice avait été fait déjà. En ce sens, il convient de noter, par ailleurs, que contrairement à ceux qui disent que les événements du cinq Octobre 1988 ont été orchestrés et manipulés par certains cercles claniques aux bras longs dans les rouages du régime politique, nous pensons quant à nous au RAJ que le peuple est sorti dans la rue pour revendiquer ses droits, ses libertés opprimées et une vie décente. 
Justement, comment expliquez-vous les ouï-dire sur la manipulation des événements du cinq Octobre 88 ?
Fidèle à ses habitudes, le régime politique et ses représentants d’hier comme d’ailleurs ceux d’aujourd’hui traitent toujours les citoyens comme des «mineurs», en disant que le peuple s’est retrouvé jeté dans la rue, suite à des jeux claniques au sommet du pouvoir en place. Certes, il y a de la manipulation quelque part. Mais ce n’est pas ça qui a fait sortir les citoyens pour exprimer leur ras-le-bol contre un systèmes qui a verrouillé toutes les portes d’espoir. A cet effet, il convient de dire qu’il est très réducteur que de penser et de dire qu’un peuple qui est sorti dans la rue revendiquer ses droits les plus élémentaires est poussé par quelqu’un, aussi puissant soit-il. Quel message avez-vous transmettre aux citoyens à l’occasion de la commémoration du vingtième anniversaire des évènements du cinq Octobre ?
En ma qualité de premier secrétaire du RAJ, j’appelle mes concitoyens à lutter quotidiennement et pacifiquement pour la sauvegarde des acquis d’Octobre au moins ceux restants, car ils constituent le meilleur hommage aux victimes de la répression. Il faut protéger les acquis démocratiques aussi minces soient-ils, car ils nous donnent le moyen d’exister. Et pour finir, je dirai que le monde ne sera pas détruit par ceux qui font le mal, mais par ceux qui les regardent agir et qui refusent d’intervenir.
K. L.

Rassemblement de l’association RAJ à la Place des martyrs

 octobre 2008

Hakim Addad a tenu à préciser que “le 5 Octobre est une nouvelle ère pour l’Algérie”, qui ouvre la voie à “la 2e République”. L’intervenant a souligné que “les libertés sont écrasées depuis 1999”, en mettant en exergue “la tentation de revenir au parti unique”.

Plusieurs dizaines de personnes ont répondu, hier, à l’appel de l’Association Raj (Rassemblement action jeunesse) et se sont rassemblées à la place des Martyrs (Alger) pour commémorer le XXe anniversaire des évènements du 5 Octobre 1988. Outre les militants de Raj, des membres de l’Association SOS disparus et des militants de partis politiques, à l’exemple du FFS et du MDS, ont participé à la manifestation pacifique, qui a enregistré, cette année, la présence remarquée de la presse nationale et étrangère.
Contrairement aux rumeurs qui ont circulé la veille, faisant état de l’interdiction du sit-in, celui-ci a bel et bien eu lieu à partir de 12h30, sous un beau soleil, et a duré plus d’une demi-heure, sous les regards indifférents, sinon interrogatifs, des passants. Seuls les bambins ont manifesté, comme à leur habitude, de la curiosité, se pressant derrière l’emblème national et les affiches brandies par les jeunes “enrajés”. “L’Association Raj a l’habitude de commémorer chaque année le 5 Octobre, malgré la violence”, a déclaré son secrétaire général, Hakim Addad. Ce dernier a néanmoins noté que son association “s’est rappropriée aujourd’hui (hier, ndlr) la rue, pacifiquement”. M. Addad a, par ailleurs, rappelé les principes qui guident Raj, insistant sur “le changement” et citant “la préservation de la dignité humaine”, “le droit au logement et au travail” et “la défense des libertés et de la justice sociale”. “Nous nous recueillons aujourd’hui à la mémoire des personnes décédées, y compris les victimes de Ghardaïa”, a affirmé plus loin le cadre associatif. Non sans observer que “tout le pays est en crise”.
La parole a été donnée à d’autres membres de l’association pour la lecture de la déclaration de Raj. Une déclaration dans laquelle les initiateurs du sit-in énoncent que les évènements d’Octobre 1988 sont loin d’être un “chahut de gamins”, “ont obligé un pouvoir autoritaire (…) à s’ouvrir et ont permis à la démocratie de voir le jour dans notre pays”.
L’association s’élève aussi contre les atteintes aux “libertés démocratiques” et aux “droits humains”, commises “depuis 1992, en passant par 1999, à nos jours”. Elle appelle enfin à la sauvegarde des “acquis d’Octobre”, convaincue qu’une telle démarche constitue “le meilleur hommage aux victimes de la répression”, avant de proclamer le 5 Octobre “journée officielle de la démocratie”.
Lors d’un point de presse improvisé, Hakim Addad a tenu à préciser que “le 5 Octobre est une nouvelle ère pour l’Algérie”, qui ouvre la voie à “la 2e République”. L’intervenant a souligné que “les libertés sont écrasées depuis 1999”, en mettant en exergue “la tentation de revenir au parti unique”. “Les autorités, le pouvoir, le régime doivent savoir qu’il y a des Algériens qui, malgré les atteintes, continueront la lutte pour la démocratie, la liberté et la justice sociale”, a martelé M. Addad. ہ l’adresse d’une journaliste italienne, celui-ci a reproché “la complaisance” de certains ةtats européens vis-à-vis du régime politique algérien, lui rappelant avec force qu’“il n’existe pas encore de démocratie en Algérie” et que “les Algériens ne sont pas si heureux, en dépit de toutes les richesses dont recèle le pays”.

Commémoration des événements d’Octobre 1988 :Recueillement à la place des Martyrs

octobre 2008

Par Samir Azzoug .

La tribune 06/10/2008 .

«RAJ s’est réapproprié la rue», s’en est félicité hier, Hakim Addad, secrétaire général de l’association Rassemblement Action Jeunesse. Regroupés au niveau de la place des Martyrs, les «enrajés», comme ils aiment se définir, confortés par des membres de l’association «SOS disparus» et des représentants de certains partis politiques, ont commémoré comme de coutume les événements d’Octobre 1988. Fait marquant, cette année, la célébration dans la rue du 20ème anniversaire de ce qui fut un moment historique de l’Algérie indépendante n’a pas été réprimée par les forces de l’ordre. «On est agréablement surpris cette année que cette manifestation n’ait pas été réprimée», constate Hakim. 

Une cinquantaine de personnes étaient présentes à la commémoration. Mais le nombre des participants n’est pas une fin en soi et la présence d’une telle manifestation au cœur d’une capitale où, pour des mesures sécuritaires, tout rassemblement ou mouvement de contestation est proscrit depuis juillet 2001, reste une réussite. 

Les organisateurs de la célébration semblaient jouir pleinement de ce succès. Sur des affichettes portées à bout de bras et pendant de longues minutes était transcrits des mots simples dans l’énoncé mais 

ô combien lourds de sens : «Justice sociale», «démocratie», «liberté». Plus que des slogans, ces affiches portent les revendications de l’association. Chose confirmée par les discours déclamés par quelques membres de RAJ. «Les manifestants d’Octobre 1988 n’étaient pas des émeutiers, ce n’était pas un chahut de gamins. C’est une réaction d’un peuple qui aspirait à une vie meilleure, qui réclamait la démocratie et la justice sociale», adresse le secrétaire général de l’association de jeunes aux détracteurs de cette «phase historique». 

A ceux qui expliquent que les jeunes Algériens sont descendus dans la rue mus par des manipulations politiques, Hakim Addad répond que certainement, au départ, «il devait y avoir des tentatives de manipulation, mais les pouvoirs publics ont vite été dépassés par les événements». Après la lecture de la «fatiha» à la mémoire de «tous les martyrs de la démocratie depuis 1962 à ce jour en passant par ceux des événements d’Octobre 1988», une minute de silence bras levés, les doigts en V, a été observée jusqu’au déclenchement des youyous sortant des gosiers frais et chaleureux des jeunes filles et des femmes présentes. 

Les jeunes Algérois, curieux de ce qui se passait, venaient prendre des nouvelles. «C’est quoi ce rassemblement ?» questionne un jeune adolescent. «C’est la commémoration du vingtième anniversaire des événements d’Octobre 1988», lui explique un participant. «Le 5 octobre, c’est quoi ? Encore une question de terrorisme ?» demande le jeune homme. «Comment t’expliquer ! L’Algérie a tellement connue de malheurs», désespère le sexagénaire. 

Lors de son discours, Hakim Addad est revenu sur les acquis de la révolte populaire précédée par les mouvements des travailleurs dans les usines et certains journalistes de la presse unique de l’époque, en l’occurrence la chute de la pensée unique en faveur du pluralisme. «Un vent de démocratie avait soufflé pour être interrompu juste après», dit-il. «Aujourd’hui, notre première revendication est la liberté. Après, on passera à d’autres réclamations comme la justice sociale», manière de dire que le programme de RAJ reste chargé.

 

 

Hakim ADDAD, secrétaire général de RAJ

octobre 2008

« Un tsunami populaire n’est pas à écarter »

Hakim Addad est secrétaire général de l’association Rassemblement actions jeunesse. Depuis sa création en 1993, le RAJ a été l’une des rares associations, voire la seule à ne jamais manquer le rendez-vous du 5 Octobre, en réitérant la même revendication : instituer le 5 Octobre journée nationale pour la démocratie.

Tout d’abord, comment avez-vous vécu Hakim Addad, à titre personnel, le 5 Octobre 88 ?

Personnellement, je me trouvais en France à cette époque-là et étais déjà militant dans des associations citoyennes. Très rapidement, on a pris un peu le relais en termes d’information sur ce qui était en train de se passer lors de ces journées sanglantes, en particulier à Alger. Nous avons ainsi organisé plusieurs conférences sur la question et j’ai souvenir d’une grosse manifestation unitaire à Paris en solidarité avec les manifestants en Algérie contre la répression et la torture. C’était une manière de contrecarrer cette fumeuse phrase qui disait que ce n’était qu’un « chahut de gamins » pour lui rétorquer que bizarrement, ce « chahut de gamins » avait énormément de retentissement et de soutiens à travers le monde.

Vous êtes surtout connu comme étant une figure de proue de l’association Rassemblement actions jeunesse. Chaque année, le RAJ commémore infailliblement la journée du 5 Octobre. Pouvez-vous nous expliquer ce que représente exactement le 5 Octobre pour le RAJ ?

Je suis un militant parmi beaucoup d’autres au sein du RAJ. Je profite d’ailleurs de cette tribune pour rendre un hommage appuyé à toutes celles et tous ceux qui militent dans le RAJ et qui alimentent cette association avec leur courage et leur sincérité, au moment où une grande partie de la jeunesse et de la population algériennes parle de quitter le pays. De voir et d’avoir des jeunes, surtout à l’intérieur du pays, filles et garçons qui continuent à porter l’étendard de l’espérance, malgré leurs difficultés de vie, force le respect. Cet hommage va au-delà des « enrajés » et s’adresse aussi à toutes celles et tous ceux qui, chacun dans son coin, quelle que soit son action ou sa fonction, dans l’université ou l’entreprise, participe à faire vivre l’espoir. Le RAJ commémore cette date depuis sa création officielle en 1993, tant il s’inscrit dans le prolongement naturel du mouvement d’Octobre 88. Pour nous, ce mouvement – et non ces émeutes – a changé en profondeur, qu’on l’admette ou non, le paysage politique et social de l’Algérie. Dès le départ, nous avons estimé au RAJ que nous nous devions de continuer à transmettre les messages véhiculés par Octobre 88. Il y a trois messages essentiels que nous délivrons, en l’occurrence. Le premier message, c’est d’abord un travail de mémoire pour dire qu’il ne faut pas oublier pour ne pas recommencer, convaincus que nous sommes que cette date doit rester gravée dans la mémoire collective algérienne. Notre deuxième message porte sur la reconnaissance des martyrs d’Octobre 88 et le combat de ceux qui se sont battus à ce moment-là et pas seulement les gens qui ont disparu. Troisième chose, en étant là, nous disons que nous devons continuer à nous mobiliser pour la liberté et la justice sociale et ainsi pérenniser certains acquis du 5 Octobre 88. N’oublions pas que l’octobre des libertés en Algérie est arrivé en 88, soit bien avant décembre 89 et la chute du Mur de Berlin avec son lot de démocratie en Europe de l’Est.

Comment s’organisent ces commémorations et autour de quels mots d’ordre ?

La cérémonie principale se fait symboliquement à Sahate Echouhada, à Alger, mais d’autres initiatives sont organisées dans d’autres villes du pays où il y a des comités de RAJ. Certaines commémorations ont vu la participation d’autres associations comme l’Association des victimes d’Octobre 88, surtout à Béjaïa, ou encore SOS Disparus et d’autres, mais c’est vrai que c’est le RAJ qui porte un peu seul sur ses épaules tant la commémoration du 5 Octobre, le jour J, que les manifestations qui sont organisées autour du 5 Octobre. De notre point de vue, il ne s’agit pas seulement de se pointer avec une gerbe de fleurs à la place des Martyrs, de lire la Fatiha, d’observer une minute de silence, de se chamailler ou de jouer des coudes à chaque fois avec la police et de repartir chez soi. Il faut aussi faire parler ces événements fondateurs en organisant des conférences-débats autour de gens qui ont vécu ces moments-là, des gens du milieu politique, associatif, journalistique, syndical ou citoyen tout simplement pour éclairer un peu plus notre lanterne sur ce qu’a été Octobre 88 et ce que nous devons faire avec dans l’avenir.

Y a-t-il quelque chose de particulier pour ce 20e anniversaire ?

Cela est un appel à participation. Nous prévoyons un séminaire de deux jours à Alger les 3 et 4 octobre à la Fondation Friedrich Ebert avant la cérémonie du 5 octobre qui aura lieu comme d’habitude à la mythique place des Martyrs à 12h 30, avec la même revendication centrale, à savoir exiger que le 5 octobre soit reconnu journée officielle pour la démocratie. Lors de ce séminaire, nous mettrons l’accent sur le bilan de ces vingt ans. Nous allons nous pencher également sur les perspectives du mouvement social et politique de façon à perpétuer le message d’Octobre 88. Des organisations politiques et sociales, des responsables politiques et syndicaux seront conviés à cet effet ainsi que des défenseurs des droits humains à l’instar de Mustapha Bouchachi, président de la Laddh, et des représentants du monde associatif. Par ailleurs, nous examinerons, cette année, la question des frontières de toutes sortes imposées aux peuples à l’intérieur du Maghreb. Je veux parler de la charte de Tanger qui, en 1958, avait posé les jalons d’un Maghreb sans frontières, et avait soulevé le rêve et l’espoir que les habitants de la région constituent une même entité. Nous consacrerons donc une conférence au 50e anniversaire de la charte de Tanger et ses perspectives. Pour cela, nous sollicitons un grand monsieur, j’ai nommé, Abdelhamid Mehri qui, nous semble-t-il, est le plus à même de parler de cette question. Nous invitons aussi des représentants de pays nord-africains sans toutefois préciser les dates de leur arrivée afin qu’il n’y ait pas de « grève surprise » de quelque compagnie aérienne à la dernière minute, si vous voyez ce que je veux dire…

Que vous inspire le fait d’entendre que vous êtes l’une des rares associations à se revendiquer de la lignée d’Octobre 88 ? Y aurait-il un « malaise » autour du 5 Octobre ? Cette date serait-elle devenue un « tabou » ?

Malaise, tabou, amnésie entretenue, tous ces mots traduisent effectivement une volonté d’occulter cette date. Cela ne flatte pas notre ego d’être malheureusement les seuls à célébrer ces événements régulièrement, même si à certains moments, il y a eu d’autres organisations qui se sont jointes à nous lors de certaines commémorations. De souvenir de militant algérien ayant toujours célébré Octobre 88, il y a toujours eu avant et pendant octobre, de grosses difficultés à organiser quelque chose autour de cette date, à faire parler les gens, y compris la classe politique, y compris aussi nos amis de la presse, alors qu’ils devraient la porter un peu comme leur date de naissance. Autant nous comprenons que le pouvoir veuille enterrer le 5 Octobre et organiser une amnésie collective autour de ce moment historique, autant nous sommes dubitatifs devant le peu d’intérêt manifesté aussi bien par la classe politique de la famille dite « démocratique » que par les médias dits « indépendants » à l’endroit d’une date annonciatrice d’une Algérie nouvelle, voire carrément d’une mise sur les rails d’une deuxième République.

M. Ouyahia déclarait récemment que la rue n’a été pour rien dans ce soulèvement populaire et que ce sont les contradictions internes au système qui ont été à l’origine d’Octobre 88. Qu’avez-vous envie de lui répondre ?

A lui, rien. Je constate seulement que M. Ouyahia a une vision fort limitée, très « œillères », des choses. C’est un débat sur lequel le RAJ s’est longuement penché et nous avons approché à cet effet, entre autres, des personnalités qui à l’époque faisaient partie du pouvoir. Pour ne citer que lui, M. Hamrouche disait, dès 1996 lors d’une université d’été de RAJ, que le mouvement populaire a débordé les luttes de sérail. Cette thèse, selon laquelle la population n’a jamais revendiqué la démocratie et que tout cela est l’œuvre du système, est une lecture éculée, insultante même, comme si le peuple ne pouvait pas s’émanciper sans eux. En ce qui nous concerne, nous sommes arrivés à la conclusion qu’il y avait eu en effet des luttes idéologiques et d’intérêts au sein du sérail, mais en même temps, nous revendiquons le fait que la population algérienne, les jeunes en particulier, a été beaucoup plus loin dans les revendications que le simple « chahut de gamins » qu’avait voulu organiser le pouvoir. Les jeunes l’ont poussé vers beaucoup plus de changements qu’il ne le voulait, l’ouverture politique par exemple.

Pour revenir aux acquis d’Octobre 88 et en particulier la question des libertés fondamentales, pensez-vous qu’il y a un recul des libertés depuis le retour de M. Bouteflika aux affaires ?

Ces libertés acquises dans la douleur ont commencé en vérité à être enterrées par le régime en place à partir de l’arrêt du processus démocratique et électoral en 1992. Donc, ce n’est pas particulier à l’arrivée de Bouteflika en 1999. C’est une question de régime plus que d’hommes. On peut évidemment parler de sa gestion et de son zèle dans l’écrasement des libertés. L’état d’urgence, faut-il le rappeler, est toujours en cours depuis 1992. Les restrictions à la liberté de la presse, les entraves à l’activité politique partisane, syndicale ou associative libre, les atteintes aux droits humains sont quotidiens.

A quoi, il convient d’ajouter l’interdiction d’occuper la rue qui est le plus grand acquis d’Octobre…

Tout à fait. Depuis juin 2001, il nous est interdit de manifester dans les rues d’Alger. Aujourd’hui, le verrouillage est presque total et tant que nous ne sommes pas tous jetés en prison, nous pouvons nous estimer heureux et nous pouvons nous réjouir de notre petit lopin de liberté, dont il faut profiter avant qu’il ne soit trop tard. A tout cela, nous disons non. Comme le dit le slogan « Soyons réalistes, exigeons l’impossible ! » La rue est à ceux qui l’occupent. Avis à la population : rendez-vous pacifique le 5 octobre. Craignez-vous plus de verrouillage avec un troisième mandat de Bouteflika ?

C’est une question de régime, pas seulement d’hommes encore une fois. Qu’il y ait troisième mandat de M. Bouteflika ou premier mandat d’un autre, avec ce même régime, les choses peuvent s’aggraver. Bien sûr, si le régime continue sur cette voie « boutefliko-ouyahienne », cela risque fortement d’empirer. Mais, le régime algérien doit faire très attention, parce qu’il y va maintenant de sa propre survie. Il ne pourra pas éternellement verrouiller la cocotte minute sans laisser échapper un trou d’air, sinon, ça lui explosera à la figure. « Tout pouvoir excessif meurt par son excès même ». Ils devraient méditer cette phrase là haut. Avec ce que nous voyons comme déflagrations à travers l’Algérie, tous les jours de l’année, il est à craindre qu’un jour ou l’autre, il y ait une explosion généralisée.

Vous pensez qu’un autre 5 octobre n’est pas à écarter ?

Absence de libertés, injustices sociales, répression, absence de projets sérieux et autres : les ingrédients sont presque tous réunis comme à la veille d’Octobre 88. Cela dit, un tel scénario n’est pas appelé de nos vœux, parce que nous pensons que la répression sera extrêmement dure et nous ne voulons pas qu’il y ait plus de sang et de martyrs qu’il n’y en a eu d’Octobre 88 à ce jour. Mais, vu toutes les injustices, un tsunami populaire n’est pas à écarter. Et c’est pour cela que nous crions société réveille-toi ! Nos gouvernants sont devenus fous. Le pouvoir ne sera pas le seul perdant s’il y a ce tsunami populaire. Cela risque d’être le chaos. Dans RAJ, il y a « jeunesse » et souvent, le 5 Octobre a été associé à la jeunesse insurgée.

Quelle appréciation faites-vous de la place faite aux jeunes dans la société ?

La jeunesse est présente essentiellement à travers les unes des journaux qui parlent sans cesse de la détresse des jeunes Algériens en termes de harraga, kamikazes, drogue, suicide. Mais malheureusement, hormis les manchettes des journaux, elle n’a pas la place qui lui est due dans la représentation nationale et encore moins dans les institutions. D’où la persistance de ce malaise et de ce cri de rage d’Octobre 88 qui continue à se faire entendre à ce jour… Aussi, devons-nous en tant qu’organisations sociales, politiques, servir de canal d’expression et de mobilisation pacifique dans la société. Il faut que les initiatives autour des libertés se multiplient. Nous pouvons comprendre ce qui a pu amener les jeunes à s’exprimer par l’émeute et cette responsabilité incombe en premier lieu au pouvoir qui a fermé tous les canaux d’expression pacifique dans ce pays et qui, de surcroît, utilise la violence comme forme de gestion de la société, quitte à la créer. C’est pour cela que nous disons à ces jeunes que ce n’est pas la meilleure des solutions. Il faut recréer en eux la foi en la lutte, politique et citoyenne, il faut les amener à s’organiser, à se mobiliser à travers des structures qui, même si elles ne leur conviennent pas totalement, sont là pour leur donner la possibilité de revendiquer leurs droits de manière collective et plus efficace, avec, on l’espère, de meilleurs résultats que la casse. Ceci justement est l’un des acquis d’Octobre 88.

 

Par Mustapha Benfodil

Voix du Sud

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Il y a vingt ans, en octobre 1988, commençait une nouvelle période dans l’histoire contemporaine algérienne. Ce mois là de violentes émeutes, à travers tout le pays, allait entrainer l’effondrement du système du parti unique ( FLN) qui, avec l’armée, encadrait de manière autoritaire la société algérienne. Un an avant la chute du mur de Berlin de novembre 1989…  

Dans la soirée du 4 octobre 1988, des manifestations, essentiellement composées de jeunes, éclatent à Alger pour protester contre la hausse généralisée des prix et la raréfaction de produits de première nécessité. Dans le quartier populaire de Bab-el-Oued, des voitures, des vitrines sont saccagées. Le lendemain, les manifestations se transforment en émeutes. La principale artère commerçante est dévastée, ainsi que le complexe socioculturel de Ryad el-Feth. Les émeutiers visent les bâtiments publics, les sièges de compagnies aériennes, une boîte de nuit. Le Bureau politique du FLN condamne « des irresponsables », « manipulés par des commanditaires occultes ». L’armée prend position aux endroits stratégiques de la capitale. Le 6 octobre, l’état de siège est décrété. Malgré les blindés, les manifestations se poursuivent. Des barricades enflammées sont dressées, des coups de feu sont tirés faisant plusieurs dizaines de morts et de blessés. Le journal El Moudjahid titre « Halte au vandalisme «, et, le 7 octobre, les troubles s’étendent aux principales villes algériennes. 300 arrestations sont annoncées officiellement à Alger. Dans une interview à Radio-Beur, en France, le président de l’Amicale des Algériens en Europe (organisation du FLN), Ali Ammar, déclare: « C’est un chahut de gamins qui a dérapé, un point c’est tout. « Ce même jour, l’élément principal, nouveau, est l’entrée en scène des islamistes. Dans le quartier Belcourt, à l’issue de la prière du vendredi, un cortège de 7 000 à 8 000 sympathisants islamistes se heurte aux forces de l’ordre. Le lendemain, à Kouba, l’armée ouvre le feu près d’une mosquée, faisant une cinquantaine de morts. Le 10 octobre, à Bab-el-Oued, au moment où une sanglante répression frappe un cortège islamiste (33 morts), le président Chadli reçoit trois dirigeants de l’islamisme algérien: l’imam Ali Benhajd, l’un des prédicateurs les plus écoutés dans la jeunesse, Mohamed Sahnoun et Mahfoud Nahnah. Ils lui remettent un cahier de doléances. Le soir, Chadli Bendjedid prononce un discours à la télévision. Une voix off l’interrompt: « 33 morts à Bab-el-Oued. »

Une semaine après les émeutes, un bilan provisoire fait état de 500 morts en Algérie (dont 250 à 300 à Alger), des milliers d’arrestations ont été opérées.

Le choc « d’octobre 1988 » ébranle profondément l’État et la société algérienne. Les activistes islamistes ont montré leur importance dans la mobilisation populaire, et le charisme de certains de leurs dirigeants. Mais ils ne sont pas les initiateurs du mouvement, largement spontané. A l’autre extrémité, un pôle démocratique tente de se constituer. Ainsi le 10 octobre, un collectif de 70 journalistes algériens dénonce, dans un communiqué à l’AFP, l’interdiction d’informer objectivement des événements, le non-respect de la liberté de la presse, les atteintes aux droits de l’homme. Le 22 octobre, dans un communiqué diffusé par l’agence officielle Algérie-Presse-Service (APS), des avocats algériens protestent contre les arrestations et se prononcent pour un pouvoir judiciaire indépendant. Un Comité national contre la torture, créé fin octobre, rassemble des universitaires, des syndicalistes. Les revendications portent sur la nécessité de réformes profondes du système politique, la fin du parti unique, la garantie des libertés démocratiques.

L’onde de choc « d’octobre 1988 » marque la fin d’une époque. Le séisme est tel que s’organise rapidement le passage au multipartisme. Le 10 octobre 1988, le président Chadli Bendjedid annonce un référendum révisant la Constitution de 1976, et instituant le principe de responsabilité du gouvernement devant l’APN. Cette première brèche est suivie, le 23 octobre, par la publication d’un projet de réformes politiques qui, en théorie, remet en cause le monopole de l’organisation et de l’expression politique organisée par le FLN, sur trois points: séparation de l’État et du FLN, liberté de candidatures aux élections municipales et législatives, indépendance des « organisations de masse ». Le 3 novembre, le référendum pour la modification de la Constitution est massivement approuvé (92,27 % de « oui », avec un taux de participation de 83,08 %).

Cette fin du parti unique suscitera bien des interrogations. Les émeutes d’octobre 1988 n’ont-elles été qu’un vaste complot destiné à « ravaler » le système, à en finir avec certains membres du FLN au profit d’autres clans ? Vingt ans après, certains le pensent toujours. Ainsi, le 5 octobre 2008 dans le journal,  Le Soir :Anouar BenMalek, fondateur du comité national contre la torture (1988 – 1991), écrit : « Une sombre magouille d’apprentis sorciers incompétents. J’avais la très forte sensation d’assister à un coup monté : cette rumeur annonçant des manifestations plusieurs jours à l’avance ; ces policiers suivant de loin les manifestants, comme s’ils avaient l’ordre de ne pas intervenir ; ces voitures noires dont les occupants incitaient les jeunes à casser ; la brusque intervention de l’armée et des services de police avec l’utilisation sans limites de tous les moyens de répression ; l’utilisation à large échelle de la torture » « S’en est suivie une amnistie de facto et de jure ». Mais pour Abdelhamid Mehri, dans Djazair News d’octobre 2008, à l’époque responsable du FLN, et qui passera dans l’opposition tout au long des années 1990 : « Les événements n’étaient pas factices. «Ils ont représenté un appel au secours d’une jeunesse qui aspirait à un changement radical de la situation dans la pays ». Il dément la version selon laquelle ces événements seraient une fabrication du pouvoir lui-même. Il a reconnu la responsabilité du parti unique et son échec à gérer les événements qui ont eu des répercussions négatives sur l’étape suivante de la vie politique du pays, entré dans l’engrenage de la violence ».

De toute façon, avec l’« octobre noir », arrive le temps des explorations méthodiques et des inventaires historiques. On pouvait lire ces lignes dans l’hebdomadaire Algérie-Actualité du 24 novembre 1988: « Les enfants d’octobre 1988 ressemblent étrangement à ceux du 8 mai 1945, à ceux de novembre 1954, à ceux de décembre 1960. [...] Entre tous ces enfants, il n’y a pas qu’une ressemblance, il y a identité de revendication, sauf à renier l’histoire du mouvement national algérien contemporain. L’examen lucide de notre histoire, l’humble étude des faits, de tous les faits, hors de tout exercice d’exorcisme, nous permettront certainement de régler nos problèmes. Encore faudrait-il recouvrer notre mémoire, toute notre mémoire, sans “sélection de couleurs”. » Commence aussi après octobre 1988 une course de vitesse pour savoir qui, d’un « pôle démocrate » ou d’un « pôle islamiste », peut se substituer au vide laissé par le parti unique FLN. Cette bataille se déroule au moment où se dessinent les contours d’un « nouvel ordre mondial ». L’année suivante, le Mur de Berlin s’effondre, et progressivement tous les pays de l’Est accèdent à la démocratie politique. La guerre du Golfe, en 1991, voit l’effacement du rôle politique joué par l’URSS (qui disparaîtra la même année en tant qu’entité étatique), et l’affirmation des États-Unis comme superpuissance au sein de l’ONU. Le Maghreb, le monde arabo-musulman, en général, sont traversés par des fièvres nationalistes ou identitaires. Après avoir connu un court moment d’euphorie démocratique, l’Algérie va s’enfoncer dans l’engrenage tragique de la violence : près de 150 000 morts tout au long des années 1990.Vingt ans après, une grande partie de la presse algérienne s’interroge sur le sens à donner à ces événements. Le 5 octobre 2008, dans le Quotidien d’Oran, on peut lire, sous la plume d’Abed Charef : « Octobre aura finalement été une grande illusion. Le débat politique qui a précédé Octobre s’est poursuivi après les évènements, avant d’être emporté dans la tourmente, lorsqu’un parti de type totalitaire, a voulu remplacer un système totalitaire par une dictature religieuse. Depuis, le pays continue de s’enfoncer. En octobre 1988, le pays n’avait pas d’argent, mais il y avait une réelle volonté de s’en sortir. En 2008, l’Algérie a de l’argent, mais elle est incapable de se dessiner un avenir ». Dans El Watan sous le titre, « La raison d’Etat », Omar Berbiche note : « Deux décennies après, les évènements d’octobre semblent relever encore de la raison d’Etat. Comment expliquer qu’aucun colloque officiel sur ces évènements n’ait été organisé ni qu’aucune enquête n’ait été diligentée ? » Plus pessimiste encore, l’éditorialiste de Liberté explique : « Octobre : qu’en reste-t-il ? La société civile qui a toujours répondu présente pour la sauvegarde de la République s’est rétrécie comme peau de chagrin. Le pluralisme politique est en hibernation. La presse, vitrine tant vantée de la démocratie naissante, vaque à ses occupations. Où se trouvent les enfants d’Octobre aujourd’hui ? ». Et Le Soir d’Algérie répond : « Octobre 88 est une date en voie de disparition collective. Pour les jeunes, « les événements d’octobre ne constituent pas le sujet de nos discussions. » Ils n’en savent pratiquement rien, et sont loin de connaître la révolte mémorable de leurs aînés. A Bab el Oued, centre de la révolte, bien peu nombreux sont ceux qui en parlent encore ». Mais cette disparition n’est qu’apparente. Dans El Watan, Hakim Addad, secrétaire général de RAJ (Rassemblement action jeunesse) écrit : «Un tsunami populaire n’est pas à écarter ». Et La Ligue Algérienne des Droits de l’Homme tire la sonnette d’alarme : « La Ligue n’écarte pas totalement l’avènement d’une explosion sociale »……  Benjamin Stora. 

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