( 10 septembre, 2008 )

La conférence de Tanger

Rassemblement Actions Jeunesse ( RAJ) – Algérie                                                 La conférence de Tanger arton7253-1116420702


La Conférence de Tanger .

 

 

La décennie 70, mouvementée sur le plan intérieur, ne l’a pas moins été sur le plan extérieur. Deux rencontres historiques avec nos deux voisins, l’Algérie et
la Libye, celle du Kef en 1973 et celle de Djerba en 1974, ont failli changer le sort de notre pays et sans doute celui du
Maghreb. Dans les deux cas, se sont trouvés mis à l’ordre du jour des projets de rapprochement, voire d’union politique et économique visant à façonner de manière irréversible le destin de toute la région. Dans l’un et l’autre cas, par improvisation et précipitation, ces projets à première vue séduisants, n’ont abouti qu’à faire ressortir la difficulté d’une démarche seulement politique qui, pour être fructueuse, eût dû être sagement progressive.

Bien que le contexte historique ne soit pas comparable, l’exemple européen peut être ici de quelque enseignement. Quand le général Charles de Gaulle et le chancelier Konrad Adenauer décidèrent, en 1963, de tourner résolument la page d’une hostilité séculaire pour affronter en commun l’avenir et construire sur ce socle central de l’entente franco-allemande, une
Europe pacifique, ils faisaient prendre à l’histoire du continent un tournant décisif. Mais ils s’y engageaient sans se dissimuler aucun problème et dans le respect sourcilleux de la personnalité de chaque nation.

Le Maghreb, tout comme l’Europe, avait sans doute besoin d’une secousse comparable, notamment dans sa composante algéro-tunisienne. La décennie 50 avait été, pour notre région, celle d’une lutte généralement solidaire contre la colonisation ; la décennie 60,
celle de la consolidation des indépendances. Reste que des malentendus, des dissonances, des dérapages sans doute inévitables, n’en avaient pas moins émaillé nos rapports pendant la décennie 70. Et comme dans le même temps, les impératifs du voisinage et la pression des réalités militaient pour une coopération accrue, de franches clarifications se révélaient nécessaires.

Laissant aux historiens le soin d’analyser, en détail, les problèmes régionaux qui surgirent durant ces décennies, je me contenterai, pour ma part, de dire comment j’en ai vécu les principaux épisodes. Et d’abord celui du 12 mai 1973, au Kef, la grande ville austère du nord de la Tunisie, près de la frontière algérienne, quand deux chefs d’Etat, Habib Bourguiba et Houari Boumediene, faillirent forger une sorte d’entité algéro-tunisienne. Mais pour bien comprendre l’événement et ses suites, il faut faire un bref historique de nos rêves unitaires, de nos espoirs et de nos désillusions.

C’est à
Paris, haut lieu de formation des cadres de nos deux pays, qu’en 1926, fut créée l’Etoile nord-africaine par le “patriarche” algérien Messali Hadj. Un an plus tard, naissait l’Association des étudiants musulmans nord-africains (AEMNA), toujours sise au célèbre 115 du boulevard Saint Michel. Ses statuts proclamaient notamment : “L’Afrique du Nord, unie et indivisible, est une nation qui doit rester une nation pour l’éternité”.

Vingt ans après, précisément le 9 décembre 1947, sera fondé au Caire le bureau du Maghreb arabe, animé par les états-majors nationalistes réfugiés dans la capitale égyptienne : l’émir Abdelkrim El Khatabi et Allal el Fassi pour le Maroc, puis Bourguiba et Habib Thameur pour la Tunisie, bientôt rejoints pour l’Algérie par Mohamed Khider et Chedli Mekki.

Dès 1946, sur le plan syndical, lors de la fondation de l’UGTT, Ferhat Hached avait appelé à la création d’une Fédération syndicale nord-africaine. Mais ce sont les organisations estudiantines, notamment l’UGET — créée en 1952 et basée à Tunis, mais dont le gros des effectifs était en France — rejointe, en 1955, par l’Union générale des étudiants musulmans algériens (UGEMA) puis en 1956, par l’Union nationale des étudiants marocains (UNEM) qui allaient organiser le débat politique entre les jeunesses intellectuelles des trois pays, avec le monde étudiant et les mouvements libéraux en Europe.

Ainsi, le 10 novembre 1957, à la Bourse du travail de Tunis, j’eus le privilège de présider un colloque organisé par l’UGET et l’UGEMA. Pour la première fois, depuis le début de la guerre d’Algérie, une rencontre réunissait des nationalistes algériens et des Français libéraux : Ahmed Boumendjel et Franz Fanon face à Jean Dresch, professeur à la Sorbonne et Henri Montety, un journaliste libéral. Le parti Néo-Destour était représenté par Mahmoud Maamouri, responsable de la jeunesse destourienne. Dès lors, la cause algérienne sera au centre de l’activité internationale des organisations estudiantines maghrébines, dont les dirigeants — militants éprouvés — seront de hauts responsables politiques à l’aube de l’indépendance de leur pays.

Le 27 avril 1958, s’ouvrait à Tanger la première conférence des partis nationalistes nord-africains : l’Istiqlal marocain, le Néo-Destour tunisien et le FLN algérien. Je faisais partie de la délégation tunisienne, aux côtés de Bahi Ladgham, Taieb Mhiri, Ahmed Tlili et Allala Belhaouane. Je pensais l’être en tant que secrétaire général de l’UGET. Ce n’était pas le cas, aucun dirigeant des autres organisations nationales ne figurant dans notre groupe. Bien après, j’appris que Bourguiba, personnellement, m’y avait fait adjoindre à la dernière minute.

La délégation marocaine comprenait les trois leaders de l’Istiqlal avant sa scission : Allal el Fassi, Ahmed Balafrej et Mehdi Ben Barka. L’Algérie, pour sa part, était représentée par Ferhat Abbas, Abdelhamid Mehri, Ahmed Boumendjel et surtout Abdelhafid Boussouf : “l’homme fort de l’Intérieur” qui apparaissait alors en public pour la première fois, tandis que près de cent cinquante journalistes internationaux couvraient l’événement. Après la réception protocolaire à
Rabat par le roi Mohamed V — au style de patriarche, à la fois raisonnable et prophétique — la conférence fut présidée, durant ses quatre jours, par Allal el Fassi, Mehri en étant le porte-parole. Au nom du Maroc, Balafrej, implicitement soutenu par Ladgham, tenta de relancer les bons offices tuniso-marocains, déjà refusés par la
France, en 1957. Cécité historique ! Car l’alternative était là : ou ces bons offices, ou l’internationalisation du problème.

Les résolutions finales, lues par le tunisien Belhaouane, déplorèrent que la France ait repoussé la médiation de Mohamed V et de Bourguiba, recommandèrent la constitution d’un gouvernement algérien et affirmèrent que “la forme fédérale était
celle qui répondait le mieux aux réalités des trois pays”. Les congressistes proposèrent l’institution d’une assemblée parlementaire du
Maghreb, issue des assemblées nationales du Maroc, de la Tunisie et du Conseil national de la révolution algérienne (CNRA). L’on prévit, en attendant, la création d’un secrétariat permanent de la conférence.

Le 2 mai, ce fut notre retour à
Tunis dans l’enthousiasme populaire. Le 4, je fis partie de la délégation commune chargée de présenter ces résolutions au roi Idriss de Libye, à Tobrouk, où le souverain était en période “d’abstinence et de prière”. Le vieux monarque barbu aux épaisses lunettes, figure vénérable, écouta la lecture des résolutions et nous répondit que “la Libye, pays charnière entre le Maghreb et le Moyen Orient, appuiera toutes les démarches pour l’indépendance de l’Algérie et le bien de la région”. Nous nous étions attendus à un peu plus de ferveur dans l’adhésion…

Revenus à
Tripoli, je m’évertuai, mais en vain, à décider un vieil ami d’enfance Abdelaziz Chouchane à rentrer en Tunisie, qu’il avait quittée pour “youssefisme”. J’avais été renvoyé, en avril 1950, avec lui et un autre camarade, Mongi Belgaied, de l’internat de Sadiki : nous avions été des “meneurs” ayant incité les internes du collège à s’associer pendant 24 heures à la grève de la faim des étudiants de l’université théologique La Zitouna. Les dignitaires religieux et notamment l’éminent Fadhel Ben Achour — revenu auréolé du Caire — avaient organisé la manifestation pour rappeler l’importance politique de l’organisation étudiante zitounienne : “La voix de l’étudiant”, dans la lutte contre le protectorat.

[Bourguiba n’avait jamais accepté leur “intrusion”.
Du Caire, il écrivait déjà, en mai 1951, à Salah Ben Youssef :

“Le problème zitounien est en train d’évoluer dans une direction dangereuse. La question de Tahar Ben Achour, de Fadhel Ben Achour, de la Grande Mosquée me donne des soucis (…) C’est pourquoi, j’ai essayé de neutraliser, voire de conquérir Fadhel Ben Achour, en vue de priver le clan religieux de la seule tête pensante et agissante qu’il possède en Tunisie”.]

Dès l’indépendance, l’enseignement à la Zitouna sera supprimé ; son organisation estudiantine, (La Voix de l’Etudiant) rejoindra l’UGET. Cependant, Fadhel Ben Achour sera le premier doyen de la Faculté théologique et gardera l’estime et la considération de tous pour son nationalisme politique, son érudition et son savoir théologique.

 

3 Commentaires à “ La conférence de Tanger ” »

  1. Addad dit :

    Salam,
    Un papier repère , pas mal . Mais qui a fait ce papier n, assurément ce n’est pas Mr Mehri , puisque Tunisien ?.
    Salut et bonne lecture.

  2. Aziz dit :

    Salam :
    la conférence fut présidée, durant ses quatre jours, par Allal el Fassi, Mehri en étant le porte-parole.
    Bonne continuation .
    Aziz .

  3. AREZKI dit :

    arretez de dire n’importe quoi, l’histoire à codamner a jamais les: mehri, hamrouche, messadia, boumedienne et leurs supplitifs, pour leurs gestion dictatoriale a l’algerienne, le 05 octobre 1988! preuve de tout les depassemets des pouvoirs public de la même époque en vers le peuple. le peuple se souvient, libre a RAJ de les réabilités.

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