Passer à un autre stade
Par : Youcef Zirem .
Le temps passe trop vite. Avec
un peu de recul, l’homme
s’aperçoit qu’il n’est qu’un
passager sur cette terre. A chacun
sa traversée; parfois le chemin est
escarpé et difficile, parfois les choses
s’avèrent simples et faciles.
Paris offre cette opportunité de se
poser, avec détachement, des questions
sur le pays des origines. Dans
quelques jours, l’avènement du
mois d’octobre sera une occasion
propice de se souvenir de ce qui s’est passé il y a vingt ans en
Algérie. Pour la première fois depuis l’indépendance, les
Algériens, aux quatre coins du pays, s’étaient soulevés contre
un système qui les étouffait. Bien sûr que le système luimême,
à travers une de ses fractions, avait encouragé ce mouvement.
Mais très vite, le système avait été débordé et la
révolte populaire s’est imposée pour revendiquer une vie meilleure
réelle, pas seulement celle des slogans. Il y a eu, bien
sûr, des dépassements ; il y a eu aussi une tentative de récupération
du mécontentement populaire par les islamistes.
Mais dans l’ensemble, cette révolte restera comme l’œuvre
majestueuse des enfants d’octobre. Cette œuvre fut majestueuse
dans la mesure où il n’était pas aisé de s’opposer à un
système policier qui surveillait tout le monde. Cette œuvre
majestueuse ne fut aidée ni par l’intelligentsia ni par les opposants
politiques traditionnels; elle coulait de source, car elle
exprimait un ras le bol généralisé. Vingt ans après, les événements
tragiques d’octobre 1988 n’ont pas mis le pays sur les
chemins sûrs de la démocratie, de la justice sociale, du respect
des droits de l’Homme et de la liberté. Pourtant juste après
cette halte sanglante de l’histoire contemporaine de l’Algérie
indépendante, le système s’est relativement ouvert : nous
avons eu une nouvelle Constitution, nous avons eu la liberté de
créer des associations à caractère politique et des journaux
privés ont fait leur apparition. Mais très vite, le système s’est
refermé sur lui-même en gardant une belle façade démocratique.
Le pays est alors entré dans un cycle infernal de violences
multiples qui l’emprisonne jusqu’à aujourd’hui. L’état d’urgence,
décrété le 9 février 1992, est toujours en vigueur.
Aujourd’hui, il est temps d’analyser, sereinement, froidement,
ce qui s’est passé depuis vingt ans en Algérie. Il faudra bien
passer à un autre stade de l’Histoire de ce pays merveilleux
qui peut faire cent fois mieux à tous les niveaux. Le meilleur
hommage à rendre aux jeunes Algériens qui sont morts durant
les événements d’octobre et ceux qui sont morts dans les violences
qui sont venues après, c’est de placer le pays dans une
autre perspective : celle de la démocratie véritable où chaque
Algérien, quelle que soit sa façon de voir le monde, aura sa
place, ses droits, ses devoirs et ses rêves, grâce à l’alternance
politique. Un pays où on ne rêve pas n’est plus vivable. Un
pays qui ne sait pas retenir sa jeunesse et ses compétences
doit se poser des questions.
Youcef. Zirem.
Article paru dans » Algérie News «