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( 8 septembre, 2008 )

Hakim Addad. Secrétaire général de l’association Rassemblement Actions Jeunesse (RAJ)

« Les jeunes ont une mauvaise image de la démocratie »

Hakim Addad. Secrétaire général de l’association Rassemblement Actions Jeunesse (RAJ)

« Les jeunes ont une mauvaise image de la démocratie »

De retour du Forum social mondial, dont le volet africain s’est tenu à Bamako, Hakim Addad, secrétaire général de l’association de jeunesse Rassemblement actions Jeunesse (RAJ) à Alger, revient sur les problèmes qui ont été débattus concernant l’Afrique et le Maghreb :

 

Quelle nouveauté représente pour le mouvement associatif la tenue d’une telle rencontre sur le sol africain ?

C’est une première de voir un Forum social mondial (FSM) en Afrique. Cela a permis de faire se rencontrer des militants du même continent partageant les mêmes luttes. Cette rencontre a été importante. Pourtant, on peut regretter la faible présence des représentants européens, notamment de la France, ils donnent l’impression de « bouder » les Africains. Les organisateurs attendaient 30 000 personnes et on peut estimer que nous étions environ 10 000.

Quels ont été les thèmes dominants du Forum social ?

Parmi les ateliers où je me suis rendu, les thèmes récurrents abordés ont tourné autour des problèmes considérables que connaît l’Afrique : l’information et la prévention contre le VIH a tenu une place particulière au début du séjour. Ce qui a été très positif, c’est que les débats ne se sont pas limités aux altermondialistes et aux militants. Des femmes et des enfants, qui passaient par là, ont été sensibilisés et ont pris part au débat. Par ailleurs, les questions sur la femme, l’émigration et la démocratisation ont été traitées.

Qu’en est-il de la question de la femme en Afrique et au Maghreb en particulier ?

Avec des membres des délégations marocaine, tunisienne et algérienne et mauritanienne, s’est tenue une discussion sur la femme maghrébine. Ce qui en ressort c’est que beaucoup de choses restent à faire. Après avoir écouté des représentants des pays du Maghreb, il en est ressorti que l’Algérie reste bien en retard sur cette question. Au regard des acquis sur l’égalité homme/femme, la Tunisie est en avance, le Maroc aussi, avec la révision de leur code de la famille. Malgré la retouche insignifiante faite à notre code de la famille, l’Algérie reste bien à la traîne sur les droits de la femme. En Algérie, il y a eu un blocage pendant une dizaine d’années. Le mouvement féministe ne peut pas se battre de la même manière dans un pays en guerre.

Vous faites partie d’une association de jeunes. Quelles sont les problématiques inhérentes aux jeunes dans le cadre de cette rencontre ?

Pour ma part, nous animions un débat autour du thème « Jeunesse et Démocratie », au camp Thomas Sankara. Les ateliers étaient menés par les jeunes eux-mêmes, c’était très vivant. Le nombre de participants tournait autour de 50 personnes en moyenne par débat. Nous avons surtout discuté de la manière de « faire » la démocratie dans nos pays respectifs. En effet, les jeunes ont une mauvaise image de la démocratie en l’assimilant aux politiques menées par G.W. Bush ou mêmes par les gouvernements européens. Même si les jeunes veulent que le drapeau rouge flotte partout, ils sont soucieux de défendre leur propre culture ancestrale qui tait les questions de la condition de la femme, par exemple. Le travail à faire dans la réhabilitation de l’idée de la démocratie se situe dans l’affirmation qu’il ne s’agit pas d’un modèle exclusivement occidental et qu’il ne s’agit pas de mettre un bulletin dans l’urne, et d’attendre que le reste suive. C’est un travail au quotidien. C’est le problème que nous connaissons en Algérie. Il a fallu déployer des efforts considérables pour expliquer que la démocratie n’est pas forcément « le monde selon Bush ». L’Europe n’a pas non plus une bonne image auprès des jeunes.

Quelle a été la teneur des débats soulevés ?

La question de l’immigration a été centrale. Cela a permis de se rendre compte que les problèmes de l’émigration ne touchent pas seulement les pays du Nord. Un intervenant togolais confiait qu’il avait traversé 4 fois les frontières algériennes et marocaines, et qu’il a non seulement été refoulé par les deux pays, mais raccompagné à la frontière dans des conditions déplorables. Cela a mis au jour les dissensions qui existent entre les pays. Nous avons parlé des relations Nord-Sud, Sud-Sud et Sud-Nord. Par ailleurs, un débat houleux s’est engagé, dans les ateliers où j’étais présent, autour de l’islamisme qui essaye de se faire une place parmi les altermondialistes. Ce n’est pas parce qu’on lutte contre le capitalisme et son modèle américain qu’il faut s’allier au diable. J’estime qu’un islamiste est un islamiste. Il faut donc faire attention aux alliances dangereuses. Cela ne veut pas dire que nous nous opposons à la religion. Il a seulement manqué un mot, à mon avis, central au débat, c’est le mot « laïcité ». Je pense en effet que c’est la voie à prendre pour sauvegarder et les citoyens et la religion.

Avec quelles conclusions repartez-vous de Bamako ?

Je trouve que la question de l’environnement n’a pas été suffisamment traitée. C’est peut-être dû au fait que les problématiques africaines prioritaires sont plus tournées vers des sujets de première nécessité : il faut d’abord arrêter d’avoir faim pour s’occuper des questions d’environnent. J’espère que les liens et les échanges qu’il y a eu entre les acteurs du monde associatif à Bamako, ne se cantonneront pas aux déclarations de principe. Car si la multiplication des forums sociaux dans le monde est une bonne chose, il faut surtout avancer vers une action concertée entre militants des différents pays africains.

Et l’Algérie, dans tout ça …

L’Algérie bénéficie aux yeux du monde d’une image positive. On croit que tout va bien, or, c’est une vitrine. De nombreuses atteintes aux libertés collectives, individuelles et d’expression sont à déplorer. La question très actuelle de la reconnaissance des libertés syndicales montre à plus d’un titre que l’Algérie ne possède rien de plus qu’une vitrine démocratique que les autorités tentent de montrer. Malgré cela, nous avons pu affirmer, lors de ces rencontres, qu’il existe des gens de la presse qui se battent ainsi que les syndicalistes, les associations de femmes…, et que la résistance est en marche.

A Bouznika (Maroc), se préparent les rencontres préparatoires à un éventuel Forum social maghrébin. Quels sont ses objectifs ?

Tout d’abord réfléchir ensemble sur des thèmes que l’on peut aborder de manière commune. Mais il se pose un problème : aucune organisation n’est une ONG. Par ailleurs, les délégations des différents pays n’en sont pas au même stade dans leur évolution et reflète l’avancée des libertés dans nos pays respectifs . Par exemple, le Maroc, à l’origine de cette initiative, est très présent et implanté dans la société civile du pays. Le Forum social algérien ( FSA) est quand à lui à ses débuts et ses balbutiements, tandis qu’en Tunisie, les tentatives de formation syndicales sont très entravées. Les seules, autorisées à pouvoir s’exprimer, sont les associations de femmes, quant à la Libye, elle n’a même pas pu former de délégation.

Qu’en est-il de l’Algérie, concernant ces questions ?

Concernant la défense des libertés démocratiques, nous constatons malheureusement que l’Algérie a encore du chemin à faire. Nous sommes outrés des pressions faites aux deux journalistes algériens, dont celui d’El Khabar. Nous tenons, au RAJ, aux principes des libertés démocratiques, et nous ne pouvons que dénoncer avec force une énième fois cette nouvelle condamnation. Cela démontre, s’il y a lieu de le faire, de quelle manière est traitée la liberté, à commencer par celle de la presse dans notre pays. Nous ne pouvons que soutenir le journaliste en grève de la faim. Nous faisons nôtre l’exigence de sa libération et de celle des autres journalistes. Cela montre une nouvelle fois l’exigence de rester mobilisés en permanence pour préserver les acquis d’octobre 1988, dont celui du pluralisme de la presse. Nous appelons les organisations, les journalistes et les syndicats à des actions communes pour leur libération, et assurer une continuité au débat démocratique. Les autorités montrent ainsi au monde leur manière de pratiquer la justice, et le respect des libertés démocratiques. Dorénavant, nul ne pourra dire : « Je ne savais pas ».

 

Par Sara Doublier

( 8 septembre, 2008 )

Rencontre avec Hakim Addad, secrétaire général du Raj

 Rencontre avec Hakim Addad, secrétaire général du Raj
Par M. Laribi
 

Parmi les associations qui avaient appelé à la manifestation du 8 août, nous en avons rencontré une qui milite dans le pays depuis 1993.
Le Raj (rassemblement action jeunesse) est de tous les combats. Pendant les périodes les plus dangereuses qu’a connu le pays où toute forme de liberté d’expression était anéantie, le Raj menaient des campagnes de prévention sur le sida où encore des conférences sur les droits de l’homme ! Rencontre avec Hakim Addad, l’actuel secrétaire général du mouvement.
 
 
 
 




 

Dans quelles conditions a été crée le RAJ et qui en étaient les instigateurs ? Hakim Addad : «en décembre 1991, le front islamique du salut (FIS) sort vainqueur des élections législatives -vote qui sera annulé en janvier 1992- c’est à ce moment là que  ceux qui allaient devenir les membres fondateurs du Raj ont réalisé qu’il y avait dans ce pays un réel problème au niveau de l’information et de la sensibilisation de la jeunesse algérienne. Cette jeunesse algérienne de moins de 30 ans représente à elle seule plus de 75% de la population entière. C’est à la suite de toutes ces prises de consciences que nous nous sommes réunis pour créer RAJ. Nous étions 22 membres fondateurs, le même nombre que les instigateurs de la révolution algérienne en 1954 (sourire). Nous étions tous issus de milieux plutôt défavorisés. La plupart d’entre nous étaient soit étudiants soit chômeurs. Nous étions donc très représentatifs de cette jeunesse ligotée dans un pays qui sombrait. Il y avait à l’époque une réelle nécessité de créer une organisation de jeunes complètement indépendante de toute autorité que ce soit d’un parti politique ou du pouvoir lui même. Voilà donc les conditions dans lesquelles le RAJ a été crée ! Quel est le genre d’actions que vous menez ? H.A : le travail des enRAJés était essentiellement socioculturel les deux premières années. En 1995, il y a eu une demande très forte de la part des adhérents que le RAJ prenne position et interpelle le pouvoir politique et l’opposition concernant les violences dans le pays. Le RAJ entamera donc cette même année, une campagne nationale en interpellant le pouvoir afin de trouver une solution à la crise que traversait le pays. Le RAJ lance une pétition et en un mois et demi, grâce à l’activisme de nos militants, nous avons récoltés plus de 20 000 signature. La campagne s’est clôturée avec un grand rassemblement concert où plus de 10 000 spectateurs étaient présents. 

Vous avez décidé de boycotter le festival de la jeunesse après avoir fait partie du comité d’organisation, pour quelles raisons vous êtes-vous retirés et quelles actions avez-vous mené pour le boycotte ? H.A : L’organisation de ce festival était en cours depuis deux ans. Nous étions au début partie prenante de l’organisation pour voir de nos yeux comment ce festival était préparé par les organisations pro gouvernementales mais aussi et surtout pour essayer de faire de ce festival une occasion de parler des réalités de la jeunesse algérienne.   

Nous nous en sommes retirés parce ces réalités de la vie du peuple algérien et de la jeunesse en particulier n’étaient absolument pas prises en compte. Elle aurait dû être pourtant au centre de tous les débats vu les souffrances qu’elle traverse.
Il était donc impossible au niveau de notre morale de duper la jeunesse mondiale venue manifester contre la mondialisation dans un pays où le gouvernement fonce tête baissées vers un capitalisme à la sauvage en privatisant tout en bloc, en licenciant des centaines de personnes et en ouvrant ses marchés aux capitaux étrangers.
Enfin, la raison principale pour laquelle nous avons décidé de faire de ce carnaval un échec est que nous sommes partie intégrante du mouvement populaire et citoyen en cours depuis le mois d’avril dernier. Il nous était donc inconcevable de participer à cette initiative organisée par et pour le pouvoir au moment même où ce dernier tire sur la population à balles réelles et réprime sauvagement les algériens qui se mobilisent pour leurs liberté citoyenne et leur dignité.
Nous avons publié des tracts dans lesquels on dénonçait clairement cette mascarade et nous avons tenté de les distribuer aux délégations étrangère de manière pacifiste. Nous nous sommes rendu à l’entrée de la faculté de Bab Ezzouar où se tenait une conférence dans le cadre du festival. A peine avions nous commencé à distribuer nos tracts que les forces de police se sont mis à nous embarquer un par un et nous ont conduit au commissariat. Après trois heures de garde à vue durant lesquelles nous avons été frappés et insultés, on nous a finalement libérés.
Le lendemain nous avons récidivé. Nous ne pouvions évidemment pas rater la clôture du festival. Nous avons eu beaucoup de mal à distribuer nos tracts, j’ai donc décidé à un moment donné de rentrer carrément dans les bus des délégations étrangères pour leurs donner les prospectus de main à main. Au bout du deuxième bus, les jeunes de la sécurité du festival se sont jeter sur moi et ont faillis me lyncher. Les forces de l’ordre sont arrivées ensuite et m’ont traîner au commissariat d’où j’ai été rapidement libéré. Vous voyez ! dans un pays où les terroristes, les égorgeurs de femmes et d’enfants, sont amnistiés, les actes les plus pacifistes sont sévèrement réprimés. Il faut donc savoir où l’on se place. Nous avons choisi notre camp, c’est celui du peuple dont nous faisons partie.
Pour la vie et pour l’Algérie, nous lutterons toute notre vie ! »
 Propos recueillis par Meriem Laribi
meriemlaribi@yahoo.fr
 
  

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