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( 6 septembre, 2008 )

Riches ou pauvres, ils vivent le même malaise social : Jeunes d’Algérie génération divisée

Dans une meute de loups, un agneau ne peut survivre. » Révolté suite à une récente interpellation de la police, il enchaîne : « Si tu travailles, on te dit que c’est interdit. Si tu voles, on t’emmène en prison. On ne sait plus quoi faire. A chaque minute, un « flic » vient te demander tes papiers pour un examen de situation. Les voleurs sont à côté, mais ils préfèrent ne pas les voir. Ils nous utilisent pour boucher les trous, pour salir nos dossiers, pour qu’on soit des minables, comme les autres. »

« Noooormal ! »

De l’autre côté de la ville, Sidi Yahia, quartier de Hydra au charme évident, incarne l’opulence d’une partie de la population. C’est là que les grandes marques internationales ont choisi de s’implanter. Le quartier est habitué aux voitures rutilantes et restaurants bondés. La rumeur, que rien ne confirme, raconte que certains y dépenseraient jusqu’à « trois smig » par jour. « Oui, les gens ont de l’argent. Il y a beaucoup de nouveaux riches sans savoir-vivre. On les voit vadrouiller dans leurs voitures à moitié saoûls. Toute la jeunesse algérienne est en mal de repères », nous dit Doria, jeune cadre dans une banque privée rencontrée dans l’un des cafés de Sidi Yahia. Les deux jeunesses en seraient-elles au même point ? « Il n’y a pas de différence, les uns sniffent de la colle, les autres fument un joint », affirme sur un ton ironique le représentant d’une association de jeunes. La réalité est plus complexe. « Les gens vivent dans des ghettos. Les mécanismes de la promotion sociale ont changé. L’ascenseur social est en panne. Le fossé va se creuser davantage », nous dit M. Benmerad, expert au Centre national d’études et d’analyses pour la population (Ceneap), ayant réalisé récemment une étude sur « les attentes de la jeunesse algérienne ». L’exhibitionnisme des uns aiguiserait la volonté des autres de s’en sortir. Les jeunes des quartiers dits populaires s’accrochent, s’inventent de nouvelles règles, se cognent à la vie. « Ils ne comprennent pas que leurs parents aient des scrupules, alors que d’autres réussissent par le biais de moyens peu orthodoxes. La règle, c’est la débrouille », explique M. Benmerad.

A chaque époque son langage. Le vocable « normal » est entré dans le hit-parade des termes les plus usités par les jeunes. De fait, tout est devenu « normal ». « Les éléments qui doivent stabiliser la société sont perdus. En raison d’une folle urbanisation, les choses se sont dégradées. La famille n’est plus ce qu’elle était. L’école a perdu sa crédibilité. Il y a un effritement des modèles sociaux. S’il voit que des fortunes se sont faites de manière extraordinaire, il va tenter de faire un grand coup », dit encore l’expert du Ceneap.

« L’enfer, c’est les autres »

Dans la piscine Kiffan-Club près d’Alger, des jeunes se dorent au soleil. Ils espèrent que ce sera pour eux le dernier été dans leur pays. « Je préfère poursuivre mes études à l’étranger. Il y a trop d’agressions, trop de voyous. C’est devenu invivable ici », nous dit Wassil fraîchement diplômé de l’Institut national de commerce (INC). Ses amis se plaignent des « autres », devenus leur « enfer ». « J’aimerais pouvoir m’asseoir dans un parc et profiter de la nature. Hélas, c’est impossible. On nous pourrit la vie », s’exclame Imène. Elle voudrait, elle aussi, quitter l’Algérie emportant ses rêves pour seul bagage.

Il apparaît que malgré le clivage, les deux jeunesses partagent le même désir de partir. « Nous avons le même rêve, mais pas les mêmes ambitions », rectifie Wassil. Et de poursuivre : « Contrairement à eux, nous n’idéalisons pas l’étranger. Nous savons que ce n’est pas l’eldorado, nous sommes conscients que ce ne sera pas facile. » Pour Imène, « en Algérie, les jeunes ont plus de chances de gagner de l’argent. Ailleurs, ils pourraient enfin vivre. » « Si l’on veut gagner de l’argent, il vaut mieux rester en Algérie, mais pour ce qui est de la qualité de vie, il faut aller ailleurs », résume-t-elle. Dans un quartier de Belcourt, sous une chaleur de plomb, Mohamed, papa de quatre enfants, raconte sa vie passée en Espagne. « J’ai vécu deux ans en Espagne, c’était la belle vie. J’ai travaillé dans les vendanges, j’avais une certaine dignité. Ici, c’est différent », dit-il. « Si je pouvais, j’irai à cheval, à pied, à la nage… », lance Makhlouf.

Dans leurs discussions sur l’état actuel de l’Algérie, les jeunes de Belcourt parlent beaucoup de « ouledhoum », traduire : les enfants de ceux qui « tiennent » le pays. « Ils ont des tonnes d’argent, mais rien ne nous parvient. Ils préparent le terrain à leurs enfants. Si au moins ils nous donnaient de l’argent pour nous marier ou des visas pour nous casser d’ici », estime Rédha, technicien supérieur en informatique qui travaille en tant que gardien dans une entreprise publique. La perte de confiance dans les hommes politiques algériens est flagrante. « Les Ouyahia, Belkhadem, c’est notre dernier souci. Ils ne se sont jamais préoccupés de nous, ma chafouch fina, on leur rend la pareille », dit Fayçal, gardien de parking.

Il hésite, cherche les mots justes et lâche : « Lorsque les jeunes des quartiers étaient bouffés par la drogue, les politiciens ne s’y sont jamais intéressés. Ce n’est que lorsque leurs enfants ont été touchés par le phénomène qu’ils ont commencé à s’en inquiéter ». Ces jeunes qui font flipper les jeunes filles au pas pressé disent vouloir « gagner de l’argent » et « fonder une famille ». « On demande un peu d’argent pour manger, c’est tout. Mais ils veulent qu’on soit tous des voyous !!! », maugréent-ils. Le mur sur lequel ils sont adossés porte aussi bien des mots de haine que des déclarations d’amour. Près de l’avenue Docteur Saâdane à Alger, un tag porte un cri de détresse : « Help. »

Par Amel Blidi

( 6 septembre, 2008 )

RAJ commémore la déclaration sur l’unité du Maghreb à l’université de Béjaïa

L’ association RAJ (Rassemblement-Actions-Jeunesse, Algérie) a organisé à l’université de Béjaia les Lundi 28 et Mardi 29 Avril 2008 une conférence-débat « dans le cadre de la dynamique enclenchée par le comité de suivi du FSMagh pour la célébration du 50 ème anniversaire de la conférence de Tanger, conférence qui avait pour objectif l’unité du Maghreb, objectif qui tarde à se concrétiser malgré l’impatience et la longue attente des peuples d’Afrique du Nord. » Le mot d’ordre de l’invitation : « Tous ensemble pour l’avènement d’un Maghreb des Peuples, démocratique, progressiste, et prospère ! »

La conférence était animée notamment par les représentants des syndicats autonomes algériens SNAPAP, CNAPEST et CLA, qui sont intervenus sur le mouvement syndical en Algérie et ses perspectives au niveau du Maghreb. Elle était présentée par Maître Bouchachi, Président de la ligue Algérienne pour la Défense des Droits de l’Homme (LADDH), Maître Ali Yahia Abdenour, président d’honneur de la LADDH. Le RAJ avait prévu de procéder pour cette commémoration à la distribution et à la présentation de la conférence de Tanger et de la charte des peuples du Maghreb.

En Algérie, si l’initiative de RAJ à l’université de Béjaia en petite Kabylie s’est bien déroulée, la commémoration prévue à Alger s’est heurtée en revanche au pouvoir en place avec fracas : le « colloque historique à caractère scientifique » dédié au cinquantenaire de la conférence de Tanger, qu’organisait notamment la haute figure algérienne Abdelhamid Mehri, ancien secrétaire général du FLN (et qui était présent à la fameuse conférence de 1958), a été annulé sans explication par les autorités.

La Commémoration de la Déclaration de Tanger

Quel était l’évènement ainsi commémoré ? Du 27 au 29 avril 1958, s’est déroulé au Maroc un événement important, aujourd’hui pourtant largement oublié : la « Conférence maghrébine de Tanger ». Celle-ci a réuni les dirigeants des principaux partis des gauches nationalistes maghrébines d’alors : le Neo-Destour, l’Istiqlal et le FLN. L’évènement se déroulait en pleine guerre d’Algérie, et deux ans après l’Indépendance du Maroc et de la Tunisie. L’heure était au panarabisme et au tiers-mondisme. Les trois partis nationalistes représentés adoptèrent lors de cette conférence une résolution ambitieuse sur « l’unité du Maghreb », en présence de Ferhat Abbas, Abdelhamid Mehri, Ahmed Boumendjel, Abdelhafid Boussouf, Mehdi Ben Barka…

Fin avril 2008, les mouvements sociaux et les partis politiques, du Maghreb et de l’immigration maghrébine en Europe, ont tenu à commémorer l’évènement. Diverses initiatives organisées un peu partout ont ainsi tenté d’élucider les raisons subjectives et objectives qui ont empêché la réalisation effective de l’unité du Maghreb proclamée en 1958. « Commémorer le 50ème anniversaire de la conférence de Tanger est pour les signataires (1) l’occasion de réaffirmer que l’unité du Maghreb est une aspiration légitime des peuples qui doit se traduire en une volonté politique qui met en ouvre la construction du Maghreb des peuples uni, démocratique, progressiste, moderne et prospère », lit-on dans l’appel à la commémoration qui s’est tenue à Paris fin avril. Celle-ci a réuni Sophie Bessis, Mohamed Harbi, René Galissot et Raymond Benhaïm, autour de Ali Elbaz, qui introduisait la soirée, devant une cinquantaine de personnes.

Une commémoration similaire était organisée le 26 avril 2008 au Maroc, à Tanger même, à l’appel du Comité de Suivi du FSMaghreb, en charge de l’organisation du Forum Social Maghrébin à venir, les 25-26-27 juillet prochains au Maroc. Pour Kamel Lahbib, l’un des initiateurs de cette nouvelle conférence tangéroise, la modeste participation qu’il a enregistrée raconte en creux tout le travail qui reste à faire pour sensibiliser davantage à l’enjeu d’une union maghrébine : « au-delà de l’Appel historique de Tanger, un tel travail pourrait s’appuyer aujourd’hui sur une Charte du Maghreb des Peuples », dit-il. Kamel Lahbib évoque toutefois positivement la participation à cette réunion des partis politiques marocains, notamment l’Istiqlal et l’USFP . « Même si cela semble relever peut-être davantage de la politique-spectacle que de la réflexion profonde sur la signification d’une dimension maghrébine des luttes », nuance-t-il aussi.

D’hier à aujourd’hui

Pourquoi la déclaration de Tanger de 1958, qui proclamait l’Union du Maghreb, est-elle restée lettre morte, « aussitôt proclamée, aussitôt enterrée », comme se désolait Ali Elbaz de l’ATMF en introduction du débat parisien ? Les divers intervenants présents ce soir-là au Centre International de Culture Populaire à Paris, ont avancé des pistes d’explication. « L’idée d’Etat-Nation mise en pratique par les mouvements nationalistes, lesquels avaient en tête leurs objectifs de libération du joug impérialiste, ne concordaient pas forcément avec l’intérêt plus global des sociétés », a commenté René Galissot. « On ne pensait pas alors le Maghreb comme un espace politique à intégrer (à la manière de l’Union européenne par exemple), mais comme espace de solidarité contre l’impérialisme », a complété Mohammed Harbi. « Il est normal que les acteurs politiques d’alors se soient d’abord employé à construire des Etats-Nations, mais les Etats ont ensuite tenter de surmonter les luttes politiques internes en se construisant les uns contre les autres et en raffermissant ainsi l’idée nationale en commun. Pourtant, il existait une volonté réelle de Maghreb commun », a renchéri Raymond Benhaïm. « Ce sont les populations qui pâtissent encore et toujours de ce ’non-Maghreb’ », a commenté pour sa part Sophie Bessis. Pour elle, « les pays du Maghreb ont choisi de privilégier la construction de relations Nord-Sud plutôt que des relations horizontales entre eux. Mais est-ce la seule faute des Européens ? Aujourd’hui, l’Union du Maghreb Arabe est un cadavre qui bouge à peine. Et les nouvelles politiques antiterroristes internationales, le souci du contrôle des flux migratoires méditerranéens, achève aujourd’hui de faire des Etats maghrébins les supplétifs des pays du Nord. Il faut réfléchir à un projet fédéral qui détache le Maghreb de ces rapports Nord-Sud. »

Pour Raymond Benhaïm, « ce qui bouge et importe aujourd’hui se déroule non pas dans les partis, mais dans les mouvements sociaux. Ce qui compte désormais le plus, c’est la transversalité à créer et conforter entre ceux-ci. » Voilà pourquoi selon lui « le Forum Social Maghrébin est un événement important, d’une grande maturité politique, comme il l’a montré déjà lors de ses diverses rencontres préliminaires.. » De fait, la perspective du FSMagh de juillet au Maroc était implicitement présente dans cette réunion. « On est tous d’accord que ce qu’il faut amplifier aujourd’hui, ce sont les mouvements sociaux et les mouvements des droits », a conclu René Galissot. « N’oublions pas cependant, comme ce fut le cas en 1958, que le Maghreb, c’est aussi la Mauritanie, le Sahara Occidental et la Libye… », a commenté au sortir de la réunion un jeune acteur civil sahraoui, par ailleurs actif dans le processus du Forum Social Maghrébin.

( 6 septembre, 2008 )

1er Forum social maghrébin : Pour un Maghreb solidaire et prospère

 L’ONG algérienne RAJ (Rassemblement Actions Jeunesse), le Forum social algérien (FSA), le Snapap et le CLA, SOS Disparus ainsi que l’Association pour le tourisme et l’environnement ont participé au 1er Forum social maghrébin qui s’est déroulé du 24 au 26 juillet à Al Jadida, au Maroc.

« A l’heure de la commémoration du cinquantenaire de la déclaration de Tanger, il était primordial pour nous, le RAJ, et pour nos autres partenaires réunis à ce forum de faire le bilan et surtout de tracer les perspectives pour la construction du grand Maghreb démocratique des peuples, rêve de nos aînés et qui reste d’actualité, aujourd’hui plus que jamais », lit-on dans le communiqué de RAJ. « En soutien aux différents mouvements sociaux dans le Maghreb, dont le mouvement des professeurs vacataires en Algérie, les participants au forum ont organisé un rassemblement le 26 juillet à l’entrée de l’université de la ville Al Jadida », précise le même communiqué. Ce forum maghrébin a été également l’occasion de lancer le comité de suivi pour la création de e-joussou.net, un portail internet ouvert à la société civile du Maghreb et du Machrek. Le RAJ a été choisi comme le promoteur algérien de ce portail alternatif. Le RAJ sera ainsi chargé de faire adhérer le maximum d’associations et d’ONG algériennes à ce projet. Il a été prévu aussi que le RAJ entame un programme de travail commun avec l’ONG marocaine Action Jeunesse. Enfin, le 1er forum maghrébin du genre a été clôturé par l’adoption de la charte des peuples du Maghreb. Les quelque 2000 participants au forum qui ont adopté « la Charte du Maghreb des peuples » ont exprimé leur détermination à œuvrer à jeter les jalons d’un Maghreb « de paix, de solidarité et de prospérité partagée ». La Mauritanie devra accueillir le deuxième Forum social maghrébin l’année prochaine.

Par Adlène Meddi

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